Strigoi : les vampires de Roumanie

Si la plupart d’entre vous connaissent le mythe du vampire, notamment de Dracula, via le cinéma et la littérature, beaucoup moins connaissent l’origine des légendes, qui vient en grande partie de l’Europe de l’Est et principalement de Roumanie. C’est donc aujourd’hui un voyage au pays des vampire de Roumanie, à la découverte des véritables légendes vampiriques qui avaient trait dans les temps anciens.

La terre des vampires : 

Dracula Coppola

La Roumanie est une terre de légendes qui possède un riche patrimoine de superstitions et de folklore, peut-être même le mieux préservé d’Europe. La Roumanie est restée dans l’imaginaire collectif une terre de vampires et de loups-garous, où la magie est encore omniprésente dans les vastes forêts des Carpates.

Le comte Dracula, le plus célèbre des vampires, n’est-il pas, en partie, inspiré par la vie tumultueuse du prince Vlad Tepes, un seigneur voïvode de Valachie ou de Transylvanie ?

Bram Stoker a popularisé le mythe du vampire, mais il a surtout modifié la structure des légendes plus anciennes en s’appuyant sur la vie d’un aristocrate d’Europe de l’Est.

Le mot « vampire » est plutôt récent : il n’apparaît qu’au XVIIIᵉ siècle. En réalité, il existe de nombreuses appellations à travers l’histoire et les civilisations, et il ne fait aucun doute que le mot « vampire » puise ses origines dans les traditions slaves de l’Europe de l’Est, mais pas en Roumanie, qui n’est pas une terre slave.

En Bulgarie, en Serbie, et dans d’autres territoires slaves, nous trouvons le mot Oupir, qui deviendra Vampire en Allemagne, en France, et en Angleterre, pour devenir, au final, l’appellation générique de tous les buveurs de sang de la planète.

Des légendes vampiriques existent sur les cinq continents, et ce depuis la plus haute Antiquité, mais aujourd’hui, nous allons nous attarder sur la légende roumaine des Strigoi, qui est parfois bien différente de l’image romantique du comte Dracula avec sa cape vermeille et ses dents acérées dans un costume trois-pièces.

La légende du Strigoi : 

The Strain vampire

Les Strigoi sont des créatures mortes-vivantes qui possèdent un corps de chair. Ils viennent tourmenter les vivants, se nourrir de leur sang, mais aussi de leur énergie vitale. Ce ne sont pas des créatures spectrales ; ils appartiennent à la famille des revenants, contrairement à leurs cousins, les Vârcolaci, qui se nourrissent uniquement d’énergie vitale et n’ont pas de corps matériel.

Les Strigoi trouvent leurs origines dans la mythologie des Daces, un peuple thrace qui vivait dans le nord de la Roumanie. Le mot « Strigoi » est très proche des Striges de la mythologie grecque, ces dernières étant représentées comme des démons femelles ailés, proches des sorcières des contes européens. À l’instar des Strigoi, les Striges grecques se nourrissent de sang et d’énergie vitale, mais uniquement pendant la nuit.

Les Strigoi sont des créatures mortes-vivantes qui possèdent un corps de chair. Ils viennent tourmenter les vivants, se nourrir de leur sang, mais aussi de leur énergie vitale. Ce ne sont pas des créatures spectrales ; ils appartiennent à la famille des revenants, contrairement à leurs cousins, les Vârcolaci, qui se nourrissent uniquement d’énergie vitale et n’ont pas de corps matériel.

Les Strigoi trouvent leurs origines dans la mythologie des Daces, un peuple thrace qui vivait dans le nord de la Roumanie. Le mot « Strigoi » est très proche des Striges de la mythologie grecque, ces dernières étant représentées comme des démons femelles ailés, proches des sorcières des contes européens.

À l’instar des Strigoi, les Striges grecques se nourrissent de sang et d’énergie vitale, mais uniquement pendant la nuit.

Les origines mythologiques des Strigoi : 

Dans les légendes daces, un défunt devenait un Strigoi lorsque son âme échouait à rejoindre le paradis de Zalmoxis. Ces âmes tourmentées étaient souvent le résultat de circonstances spécifiques : un suicide, une mort dans le péché, ou encore l’exécution incorrecte des rites funéraires. Une erreur ou un oubli lors des rites funéraires pouvait condamner une âme à devenir un Strigoi, en quête de vengeance jusqu’à ce que les cérémonies soient correctement effectuées.

Lors de la cérémonie funéraire, il était primordial qu’aucun animal ne passe au-dessus de la dépouille, de peur que le diable, déguisé en bête, ne vole l’âme du défunt, le transformant en Strigoi.

Les Strigoi vivants ou Sorcier : 

Il existe une différence notable avec le mythe classique des vampires : un homme pouvait devenir un Strigoi de son vivant. Ce Strigoi vivant était alors perçu comme un sorcier doté de grands pouvoirs, notamment sur la météo et les récoltes. Cependant, lorsqu’un Strigoi vivant était tué, il revenait sous forme de mort-vivant buveur de sang.

Certains individus étaient considérés comme prédestinés à devenir des Strigoi après leur mort : les roux, les suicidés, les parjures, les personnes non mariées, les luxurieux, les enfants nés hors mariage, les maudits par une sorcière, ou encore ceux mordus par un autre Strigoi. Contrairement au mythe moderne, il n’était pas nécessaire de boire le sang d’un Strigoi pour devenir l’un d’eux ; la transmission ressemblait davantage à une épidémie par morsure.

Caractéristiques des Strigoi : 

Les Strigoi avaient la particularité de ne pas se décomposer après leur mort. Leur corps était régénéré chaque nuit grâce à l’absorption de sang frais. Contrairement à l’image popularisée par le cinéma, ils n’avaient pas de canines proéminentes. Le sang était absorbé directement par la peau, ce qui compliquait l’identification immédiate des victimes. Les Strigoi pouvaient se nourrir de leur proie pendant des semaines, provoquant une anémie progressive, signe de leur présence.

Les moyens de s’en protéger : 

Les méthodes pour se débarrasser des Strigoi ressemblaient aux pratiques classiques contre les vampires :

  • Remplir la bouche du mort d’ail.
  • Planter un pieu dans son corps pour l’immobiliser dans son cercueil.
  • Placer une grosse pierre sur son ventre.
  • Organiser des cérémonies annuelles avec des chants liturgiques autour de la tombe.

Cependant, ces pratiques n’étaient pas définitives. Pour éliminer un Strigoi de manière certaine, il fallait lui couper la tête et la placer entre ses jambes, lui arracher le cœur pour le brûler, puis disperser les cendres sur sa tombe. Les cendres pouvaient également être mélangées à de l’eau pour préparer une décoction destinée aux victimes, dans une sorte d’exorcisme préventif.

Les gardiennes des rites funéraires : 

Dans chaque village, et jusqu’à une époque récente, une vieille femme, souvent sage-femme, était spécialisée dans la lutte contre les Strigoi. Aujourd’hui encore, de nombreux villages roumains perpétuent ces rites funéraires spécifiques, témoins d’un patrimoine riche et mystérieux. 

Les autres vampires de Roumanie : 

Il existe une autre créature vampirique en Roumanie appelée le Moroi. Ce dernier peut être assimilé au Strigoi vivant. En effet, les Moroi ne sont pas immortels et ne deviennent pas automatiquement des Strigoi après leur mort, sauf dans le cas où ils seraient mordus par un Strigoi.

Les Moroi ne sont pas soumis à une soif de sang perpétuelle, contrairement à leurs congénères. Ils ont la liberté de ne pas se nourrir de sang. Cependant, c’est en consommant du sang qu’ils obtiennent de grands pouvoirs, ce qui les confronte à leur propre quête de puissance. Cela fait d’eux davantage des sorciers que des vampires. Lors de la mort d’un Moroi, il était conseillé d’exécuter les mêmes rituels funéraires que pour les Strigoi, à titre préventif, afin d’éviter un éventuel retour sous une autre forme.

L’univers de “Vampire Hunter D

Si un Moroi s’unit à un humain, leur union donnera naissance à un Dhampir (demi-vampire), une créature mi-humaine, mi-vampire, destinée à protéger les Moroi contre les Strigoi. Un exemple bien connu nous vient de l’animation japonaise « Vampire Hunter D : Chasseur de vampires ». Nous reparlerons d’eux dans un prochain article.

Pour revenir aux Strigoi, ces derniers ne se limitaient pas à boire le sang de leurs victimes, mais abusaient également d’eux sexuellement. Il était fréquent qu’un Strigoi visite son ancienne demeure pour retrouver le lit conjugal. Ils s’en prenaient volontiers aux personnes qu’ils avaient connues lors de leur existence humaine. Les Strigoi s’en prenaient aussi à d’autres femmes, et principalement aux vierges, ce qui les rapproche des succubes et des incubes de la mythologie grecque.

L’affaire du Strigoi de Marotinu de Sus : 

Vampire Petre Toma

Voici une histoire qui s’est déroulée au début des années 2000 dans le sud-est de la Roumanie. Marotinu de Sus est un petit village tranquille où la légende des Strigoi est toujours bien présente, et ce, depuis des siècles. Mais en 2003, une histoire insolite est venue troubler la tranquillité du lieu.

Petre Toma, un ancien professeur âgé de 76 ans, est décédé en décembre 2003 et fut enterré le 28 décembre. Cependant, selon les témoignages des membres de sa famille, le vieil homme n’était pas vraiment mort. Ils affirmaient qu’il était revenu à la maison sous forme de Strigoi.

Pendant le mois de janvier, plusieurs membres de sa famille souffrirent d’anémie, et un voisin déclara avoir vu Petre Toma sortir de la maison avant le lever du soleil.

Mirela Marinescu, la petite-fille de Petre Toma, raconta qu’elle l’avait vu dans sa chambre, mais qu’elle était incapable de bouger en raison d’un état d’épuisement avancé. Plusieurs autres personnes déclarèrent également faire des cauchemars où le défunt venait aspirer leur sang et leur énergie vitale pendant la nuit. 

La situation devint critique, et certains membres de la famille étaient dans un état d’anémie avancé.

Le rituel contre le Strigoi : 

Face à l’urgence, Gheorghe Marinescu, mari de la sœur de Petre, accompagné de trois hommes de sa famille, de la veuve et de la petite-fille, se rendit au cimetière pour en finir avec le Strigoi.

Ils ouvrirent la tombe du défunt, lui arrachèrent le cœur, y plantèrent un pieu à la place, saupoudrèrent le corps d’ail, puis emportèrent le cœur à un carrefour pour le brûler. Les cendres furent ensuite mélangées à de l’eau, que toutes les victimes durent boire pour conjurer la malédiction.

Ce rituel, ni plus ni moins qu’un ancien héritage des pratiques funéraires roumaines, était transmis depuis des générations. Aucun membre du village ne leur reprocha leur action nocturne. En effet, d’après les habitants, Petre Toma lui-même avait exécuté ce rituel à plusieurs reprises au cours de sa vie. Suite au rituel, toutes les victimes retrouvèrent rapidement la santé.

Une tradition en conflit avec la modernité : 

Cependant, les autorités furent moins conciliantes que les villageois. L’époque communiste avait combattu fermement les anciennes superstitions et interdit ce type de pratiques. Gheorghe Marinescu fut condamné, mais les témoignages des habitants lui permirent d’éviter la prison.

L’enquête révéla que plus de 20 tombes du village avaient subi des rituels similaires au fil des années.

Aujourd’hui, en Roumanie, de nombreuses superstitions ont sombré dans l’oubli. Cependant, le cas des Strigoi demeure différent et continue d’être pris au sérieux, même par les jeunes générations. Il n’est pas rare que, lors des enterrements, les membres de la famille transpercent le cœur du défunt à titre préventif.

Analyse du folklore : 

Il est intéressant de noter que, si les superstitions sont restées très actives dans les pays d’Europe de l’Est, et principalement en Roumanie, cela est dû aux différences fondamentales entre l’Église chrétienne catholique et l’Église chrétienne orthodoxe. Le catholicisme a presque entièrement fait disparaître une bonne partie des superstitions à partir de la fin du Moyen Âge, en rejetant les traditions païennes. À l’inverse, l’Église orthodoxe a fait preuve d’une certaine tolérance envers les rites anciens, permettant aux superstitions de cohabiter avec la foi chrétienne.

Aujourd’hui, il peut sembler absurde de croire aux vampires sous la forme de créatures se relevant de leurs cercueils pour se nourrir du sang des vivants. Pourtant, dans l’Europe de l’Est, ces croyances font encore partie du patrimoine culturel et des traditions héritées du passé. Contrairement à l’image romantique et gothique du vampire moderne, popularisée par la littérature et le cinéma, le strigoi est perçu comme une condamnation. Il s’agit d’un revenant décharné, bien loin de l’élégance d’un Dracula victorien.

Le mythe du vampire moderne est en réalité un mélange de divers mythes anciens, incluant les strigoi, les brucolaque et les varcolacas. Ces créatures ont nourri le folklore, créant une image composite du vampire, doté de capacités surnaturelles.

En Roumanie, on recense encore aujourd’hui plusieurs types de revenants, chacun ayant ses spécificités, notamment vampiriques. Ces croyances trouvent leur origine dans des peurs anciennes : celle du retour des morts pour tourmenter les vivants, souvent par vengeance ou jalousie.

L’abandon des croyances liées aux revenants est relativement récent, datant des XIXe et XXe siècles. Cependant, dans certaines régions, les strigoi et autres créatures continuent d’occuper une place importante dans l’imaginaire collectif.

Quant à la réalité scientifique de ces phénomènes, elle est souvent remise en question. Des erreurs médicales, comme des cas de catalepsie, auraient pu alimenter ces légendes. D’autres phénomènes, tels que les incubes et succubes, ou le « cauchemar » du folklore français, rappellent cette fascination pour les créatures nocturnes et vampiriques.

En conclusion, la croyance en ces phénomènes reste une affaire de conviction personnelle, dépendant des traditions et des sensibilités de chacun.

Bibliographie :

  • Histoire des Vampire, Claude Lecouteux
  • Superstitions en Transylvanie, Emily Gerard
  • Anges Vampires Démons, Jacques Sirgent
  • Le livre des superstitions, Eloise Mozzani
  • Dissertations sur les apparitions des anges, des démons et des esprits, et sur les revenants et vampires de Hongrie, de Bohême, de Moravie et de Silésie, Augustin Calmet

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