« Moi, dis-je, je crois qu’il n’y a rien d’impossible, mais que la volonté des destins règle tout ce qui advient aux mortels ; vois-tu, à moi, à toi, à tous les hommes arrivent bien des aventures étonnantes, presque uniques, et pourtant, racontées à quelqu’un qui ne les connaît pas, elles le laissent sceptique. »

Apulée, Les Métamorphoses

Préface de Jean-Pierre Monteils :

S’il est un reproche que l’on ne peut pas faire à Ludovic Richer, c’est bien celui de l’imprécision et de la non-clarté. Plus didactique et clair que ce livre est difficile à imaginer pour matière aussi dense et profuse que l’étude des rites et des processus initiatiques. 

Ces pages sont pour tous. Elles s’adressent à ceux qui découvrent le monde fabuleux des rites initiatiques, et très en amont, les moments de l’histoire humaine qui les ont fait naître et les ont nourris. Mais ces lignes concernent aussi les spécialistes qui, grâce à l’intelligente progression proposée « de porte en porte », vont retrouver des éléments oubliés, voire concevoir de nouvelles croisées, de nouveaux recoupements entre certains de ces instants du temps des Hommes et de celui des mythes. Possiblement, ils peuvent même y découvrir dans une case voisine de leur propre spécialité, des similitudes et des connivences pouvant les ramener à bien d’autres réflexions. 

Ce livre pousse à aller plus loin, au-delà de ce qui semble définitivement enclos. Il incite véritablement à pousser les portes. Ainsi arrive-t-il parfois, en clôturant ce qui est réputé su de tous, que paradoxalement on parvienne à en libérer l’esprit. 

On découvre peu à peu dans ces pages les grands thèmes qui jalonnent le questionnement éternel de l’humain depuis le commencement de son temps. De Mircea Eliade à Virgile, de Guaïta à la fuyante Atalante de Maïer, de la pensée complexe d’un Pierre Vincenti Piobb à l’occultisme flamboyant d’Éliphas Lévi, toute la fresque bariolée des divers ésotérismes défile devant nous. Les mystères antiques précèdent les grands courants de la Rose-Croix, de la franc-maçonnerie, de la théosophie ou du martinisme. Les philosophies de l’Orient apparaissent sous leurs étranges et fascinantes lueurs. Revenue des enfers, Ishtar-Inanna dialogue avec Osiris, Dionysos échange par-dessus les océans avec Ôkuninushi, Orphée répond aux seigneurs de Xibalba. 

Tout est correspondance, tout est vibration parce que tout est mémoire commune. 

Mais attention, rien en tout ceci n’est embrouillé, jeté en vrac comme un hétéroclite inventaire. Ainsi, limpides sont les distinctions entre voie initiatique et itinéraire mystique et si d’aventure les deux se croisent, cela nous est aussitôt expliqué. De même, évidentes deviennent les différences entre les voyages-ascensions réels ou oniriques vers l’empyrée, et les descentes physiques ou imaginées aux lieux infernaux. 

De cette façon est tracée, par exemple, la limite entre anabase et catabase et les nuances qui l’affectent. À chaque instant sont également invoquées ou suggérées derrière telle histoire, telle légende, des réalités plus vernaculaires. L’aventure entre Coré-Perséphone, Hadès, Déméter et Zeus nous relatant de façon ô combien poétique la naissance du cycle des saisons, est un exemple de cette manière de procéder. 

Ces sept portes, je les ai poussées une à une, sans précipitation et, pourquoi ne pas l’avouer, avec prudence et circonspection. Qu’allais-je trouver derrière chacune d’elles ? 

D’abord, répétons-le, une volonté affichée d’être clair autant que cela se puisse en un domaine tellement riche. Le pari est sans aucun doute réussi. Ensuite, le souci de permettre au lecteur par un riche appareil de notes de bas de pages ainsi que par une bibliographie soignée, d’aller lui-même et de façon la plus rapide possible aux sources de la documentation. Cela n’a pas de prix en un temps où affirmations péremptoires, simples opinions et certitudes assénées, témoignent de l’indigence des recherches sur le sujet. 

Puis, observant l’ensemble, je me suis pris à penser que le voile d’Isis évoqué in fine par Ludovic Richer nous amenait peut-être, une fois le voyage terminé, à imaginer subtilement une huitième porte dérobée celle-là, que seuls pousseront ceux qui le veulent vraiment : celle de la Quête personnelle. 

Gageons que cette nouvelle barrière franchie, après un cheminement qui dépend de chacun et de tant de choses, leur apparaîtra chiffrée du 9 de l’accomplissement, la dernière et ultime poterne, étroite par définition. Celle qui est en dedans. 

Arcana Mundi est un livre de TOUS les voyages.

Jean-Pierre Monteils 

Interviews et conférences sur le livre :