La Main de Gloire ou la chandelle des voleurs

Plongeons dans le monde fascinant et mystérieux des sciences occultes pour découvrir un talisman légendaire : la Main de Gloire. Aussi appelée « la main ensorcelée » ou encore « la chandelle du voleur », cet artefact demeure entouré de mystère et de superstition.

Présente en bonne place dans la plupart des grimoires de magie noire, la Main de Gloire est bien plus qu’une relique d’antan : elle incarne le croisement entre folklore, magie et fascination pour l’étrange. Si elle est généralement décrite comme une main magique ou ensorcelée, réputée pour ses pouvoirs de stupéfaction, ses origines demeurent enveloppées d’ombres.

Bien que l’usage de mains ensorcelées soit attesté dès l’Antiquité, certains indices laissent penser que les peintures pariétales représentant des « mains » dans les grottes préhistoriques pourraient être les ancêtres lointains de ce talisman. Ces empreintes, à la fois simples et énigmatiques, soulèvent la question de leur rôle dans les rituels religieux ou magiques de nos ancêtres.

main de gloire

Quant à la Main de Gloire elle-même, ses fonctions semblent bien spécifiques. Utilisée comme un outil maléfique, elle est intrinsèquement liée à des pratiques occultes et à un procédé de fabrication macabre qui ne laisse aucun doute quant à son caractère sinistre. Symbole d’effroi et d’interdit, elle continue de hanter l’imaginaire collectif et d’alimenter les légendes autour de la magie noire.

La chandelle ensorcelée :

Dans la plupart des grimoires, le talisman de la Main de Gloire est composé de la main gauche d’un pendu, ou éventuellement de celle ayant été utilisée pour commettre un crime.

Voici le processus de création tel qu’il est décrit dans le Dictionnaire infernal de Collin de Plancy :

La recette de la Main de Gloire n’est pas aussi complexe que celle d’autres talismans magiques, encore fallait-il, sans mauvais jeu de mots, avoir un pendu sous la main…

À noter qu’il existe plusieurs variantes quant à sa composition :

main de gloire

Bien que l’ingrédient de base reste la main d’un cadavre mort par pendaison, il était parfois nécessaire de fabriquer la mèche de la chandelle avec les cheveux du même défunt. Dans une autre variante, l’utilisation de chandelle était superflue : ce sont les doigts de la main qui devaient s’enflammer. Pour cela, il fallait les tremper dans de la cire ou de la graisse humaine, donnant naissance à cinq flammes pour cette version macabre de la Main de Gloire.

Plus horriblement encore, une version allemande de la Main de Gloire, appelée la « Lumière des Voleurs », présente une composition différente. Ici, l’ingrédient de base n’est plus la main d’un pendu, mais celle d’un fœtus issu d’une femme morte par pendaison, suicide ou décapitation. Selon les grimoires allemands de magie noire, cette opération devait être réalisée à minuit, loin des regards, sur ce que l’on appelait les « routes du diable », un nom évocateur reflétant la noirceur de cette pratique.

Cette version de la Main de Gloire était réputée plus puissante que les autres, car elle était réutilisable. Ses flammes pouvaient être allumées par la simple pensée, répondant à la volonté du sorcier qui en était le détenteur. Mais pourquoi certains individus cherchaient-ils à se procurer cette main magique ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser à ses fonctions.

Au niveau de ses pouvoirs, la Main de Gloire avait pour but de stupéfier ou de pétrifier les habitants d’une maison, ou toute personne à qui elle était présentée. Son objectif principal était de permettre aux voleurs d’agir en toute discrétion, ou plus simplement d’entrer dans les maisons de nuit sans encombre, comme le décrit le Grimoire du Petit Albert. Ce talisman était donc particulièrement « pratique » pour les malfrats.

Voici comment les supposés pouvoirs de la Main de Gloire sont rapportés par Stanislas de Guaita :

La Main de Gloire pourrait être considérée comme la technique ultime des voleurs, leur permettant de commettre leurs méfaits dans une discrétion absolue, sans même attendre que les occupants d’une maison quittent les lieux. On pourrait la comparer à un charme d’invisibilité, à la différence près que ce n’est pas le porteur de la Main de Gloire qui devient invisible, mais les victimes qui perdent toute faculté de voir ou d’agir, d’où l’effet de stupéfaction.

À noter que la Main de Gloire est plus discrète qu’il n’y paraît, car sa lumière n’est visible que par le sorcier qui l’utilise. Ainsi, elle pouvait être facilement dissimulée et activée uniquement sur le lieu de l’action.

Par sa nature intrinsèquement malfaisante, la Main de Gloire ne s’utilisait que de nuit. Elle permettait aux voleurs, éclairés par sa lumière, de voir aussi bien que s’ils agissaient en plein jour. Un autre pouvoir attribué à la Main de Gloire était de crépiter à l’approche d’un trésor, la transformant en une sorte de détecteur précieux. Mais ce n’est pas tout : on disait également qu’elle possédait la faculté de déverrouiller les serrures et de crocheter les coffres, rendant ses capacités particulièrement redoutables.

Cependant, ce talisman des voleurs n’était pas invincible : il existait des contres-charmes ou des moyens de se prémunir contre ses effets magiques. Ces remèdes, toutefois, n’étaient pas toujours plus réjouissants à préparer que la Main de Gloire elle-même.

Voici les contres-charmes présentés dans le Grimoire du Petit Albert :

chandelle magique

Ainsi, pour se prémunir des effets de la Main de Gloire, il était nécessaire de graisser les portes, les fenêtres et toute autre entrée potentielle de la demeure, afin de s’assurer qu’aucune intrusion ne soit possible.

Cependant, malgré ces précautions, plusieurs personnes furent capturées en tentant de commettre un larcin et envoyées au bûcher, après avoir avoué – souvent sous la torture – avoir utilisé la Main de Gloire, mais sans succès.

Dans la version où ce sont les doigts de la main qui font office de chandelles, un détail intriguant mérite d’être souligné : si, lors de l’allumage, un ou plusieurs doigts refusent de s’enflammer, cela était interprété comme un signe que certains occupants de la maison étaient immunisés contre les charmes de la Main de Gloire. Dans ce cas, les voleurs pouvaient choisir de rebrousser chemin, jugeant l’opération trop risquée.

Voici l’une des histoires rapportées dans le Dictionnaire infernal :

Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une chandelle unique ou d’un onguent appliqué sur chaque doigt, le pouvoir de la Main de Gloire prend fin lorsque la flamme s’éteint, et toutes les victimes sortent alors de leur état de stupéfaction. Il est donc crucial pour le sorcier ou le voleur d’avoir quitté les lieux avant que cela ne se produise. Cependant, la flamme qui brûle dans la Main de Gloire n’est pas une flamme ordinaire : elle est de nature magique. À noter que dans la version allemande, la flamme pouvait être allumée ou éteinte par la seule volonté du sorcier, augmentant considérablement le potentiel de ce talisman.

Si, toutefois, les protections contre ce sort se révélaient inefficaces, la Main de Gloire pouvait être éteinte avec du lait, mais pas avec de l’eau. Encore fallait-il qu’une personne soit épargnée par le sort de stupéfaction pour accomplir cette tâche. Dans tous les cas, on comprend aisément pourquoi ce sortilège magique a séduit tant de cambrioleurs désireux de réduire les risques inhérents à leurs activités.

Nous allons maintenant étudier une autre version de la Main de Gloire, radicalement différente dans sa conception et dans ses pouvoirs :

Le familier qui apporte la prospérité :

Il existe plusieurs grimoires qui mentionnent un rituel nommé la Main de Gloire, bien qu’aucune main de cadavre n’entre dans sa composition et que ses pouvoirs ne relèvent pas de la stupéfaction. Cependant, cette œuvre magique n’en demeure pas moins intrigante et insolite.

Voici un rituel de Main de Gloire issu du Grimoire du Pape Honorius :

pape Honorius III

Dans ce rituel, l’objet magique est un petit animal, une sorte de familier à l’allure de serpent, qui fonctionne comme une poule aux œufs d’or. J’avoue ne pas bien comprendre pourquoi ce rite porte le nom de Main de Gloire. Cela est peut-être simplement lié à sa capacité à apporter un enrichissement matériel. Cependant, il n’est ici question ni de larcin ni de cambriolage. Un élément de ce rituel mérite néanmoins d’être retenu pour la suite : le terme “Dragne”.

Revenons maintenant aux Mains de Gloire plus traditionnelles. Il semble probable que ce talisman magique, fabriqué à partir de la main d’un pendu, puisse en réalité être un trompe-l’œil, dissimulant une autre vérité : celle de la mandragore.

Le secret de la mandragore :

mandragore

S’il est une plante emblématique des adeptes de la sorcellerie, c’est bien la mandragore, ou Mandragoras en latin. Cette plante, bien réelle, possède des propriétés fascinantes qui ont de tout temps captivé magiciens et sorciers. La mandragore appartient à la famille des Solanacées et offre une palette de vertus particulièrement intrigantes : elle est psychotrope, hallucinogène, narcotique, sédative, anti-inflammatoire et même aphrodisiaque, d’où ses supposées vertus magiques.

Une autre particularité remarquable de cette plante est sa racine, qui prend parfois une forme anthropomorphe. Selon la loi de correspondance en magie, cette caractéristique lui confère des potentialités infinies dans les pratiques occultes.

Répartition et habitat :

La mandragore est typique du bassin méditerranéen, mais elle est rarement trouvée en France, où elle a quasiment disparu. Cette rareté contribue à renforcer son aura de mystère. Elle se développe dans des sols riches et ensoleillés, mais ce qui surprend le plus, c’est sa préférence pour les lieux désertés par l’homme : jachères, ruines anciennes et cimetières.

Usages anciens :

L’utilisation de la mandragore remonte à l’Antiquité, où elle était déjà prisée pour ses applications médicinales. Les Grecs l’utilisaient pour traiter la mélancolie, favoriser le sommeil et soigner divers problèmes dermatologiques. Au Moyen Âge, elle était employée comme sédatif pour les accouchements et pour soulager les rhumatismes ainsi que les douleurs musculaires.

Mandragore, sorcellerie et légendes :

Cependant, ce qui rend la mandragore véritablement fascinante, c’est son rôle dans la sorcellerie et les nombreuses légendes qui l’entourent. Dans les croyances anciennes :

Dans l’antiquité, chez les Grecs, la mandragore était appelée Kirkaia, la plante de Circé, la magicienne. En raison de sa forme anthropomorphe, elle était utilisée comme substitut magique : on transférait symboliquement une maladie d’un individu à la plante pour le guérir.

Au Moyen Âge, en Europe, Cette plante mystérieuse aurait poussé uniquement au pied des gibets, sous les corps des pendus, nourrie par la semence des condamnés.

• La légende affirme que la mandragore pousse un cri strident lors de son arrachage, un cri si terrifiant qu’il provoquerait la folie, voire la mort, pour quiconque ne prendrait pas ses précautions. Ainsi, il fallait se boucher les oreilles avec de la cire pour se protéger de ses effets néfastes.

• De nombreux rites spécifiques étaient nécessaires pour sa collecte : prières, cercles magiques et incantations étaient pratiqués pour éviter les malédictions qui pourraient en découler.

Voici comment Stanislas de Guaita relate cette histoire :

sorcières

Mais ce qui fit véritablement la réputation de la mandragore, c’est l’usage qu’en faisaient les sorcières. Ces dernières l’utilisaient sous forme d’onguent pour favoriser un état de transe et ainsi se rendre symboliquement au Sabbat. Le célèbre « vol des sorcières » sur des balais serait en réalité une allégorie : les manches à balais, enduits d’onguents à base de mandragore, auraient été utilisés par certaines femmes dans un contexte rituel et, selon certaines interprétations, dans un cadre intime.

L’usage de la mandragore devint ainsi une preuve présumée d’activité de sorcellerie et de pacte avec le diable, figurant dans de nombreuses affaires liées à la chasse aux sorcières. Mais à ce stade, vous vous demandez peut-être quel est le lien avec la Main de Gloire ?

L’affaire n’est pas si complexe, en sorcellerie, il n’est pas rare d’utiliser des écrans de fumée pour dissimuler les véritables procédés magiques décrits dans les grimoires.

Le secret de la Main de Gloire :

Ainsi, en faisant un bilan comparatif entre la Main de Gloire et la mandragore en tant que plante magique :

  • La Main de Gloire est fabriquée à partir de la main d’un pendu, tandis que la mandragore se cueille sous les gibets.
  • La Main de Gloire permet de stupéfier ou d’endormir des personnes, tandis que la mandragore est utilisée pour favoriser le sommeil et possède des propriétés hallucinogènes reconnues. Notons qu’en Inde, la mandragore porte le nom de « Mandros », qui se traduit par sommeil.
  • La Main de Gloire, telle qu’elle est décrite dans le Grimoire du Pape Honorius, le Grimorium Verum ou encore le Dragon Noir, n’utilise pas de main de pendu, mais fait référence à l’invocation « Dragne », ce qui pourrait évoquer « Mandragne » avec une légère déformation.
  • Enfin, et non des moindres, selon le linguiste Walter William Skeat, le terme « Main de Gloire » serait en réalité une déformation populaire de « mandragore » dans le folklore.

Alors, reprenons le mythe de la Main de Gloire, mais en remplaçant le talisman par la mandragore des sorcières :

  • Nous aurions une mandragore récoltée sous le corps d’un pendu.
  • Elle serait placée dans des conditions particulières pour être conservée dans un pot en terre.
  • Elle serait ensuite exposée au soleil pour la faire sécher.
  • On la brûlerait comme une chandelle afin de déployer ses pouvoirs psychotropes.
  • Les voleurs commettraient leurs larcins tandis que les propriétaires des lieux, plongés dans un état hallucinatoire, seraient incapables de comprendre ce qui s’est passé, ni même d’identifier les cambrioleurs.
  • Le lait utilisé pour éteindre la chandelle ferait possiblement référence aux propriétés désintoxiquantes.

Lorsque les voleurs se faisaient capturer, ils avouaient sous la torture avoir utilisé une Main de Gloire, un terme populaire faisant peut-être référence à la mandragore.

Voilà un résumé possible de cette affaire. Bien sûr, il faudrait y ajouter les rituels spécifiques de création du talisman, transformant une mandragore en une Main de Gloire pour les sorciers cambrioleurs.

Conclusion :

De nos jours, il n’est pas rare de retrouver la Main de Gloire dans les œuvres de fiction. C’est notamment le cas dans :

  • Les Nouvelles Aventures de Sabrina, où l’héroïne s’en sert pour accéder à une pièce interdite.
  • Constantine, où elle est utilisée dans un rituel de nécromancie.
  • The Wicker Man, où un homme tente de stupéfier le héros avec une Main de Gloire.

Il existe encore des centaines de références dans le cinéma, la littérature, la musique et les jeux vidéo.

Bibliographie :

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