La légende d’Hyperborée a traversé les siècles, enflamment l’imagination de nombreux écrivains, philosophes et historiens. Terre mythique située au-delà des frontières connues du monde antique, Hyperborée est décrite comme un paradis où les habitants vivaient en harmonie avec les dieux, bénéficiant d’une longévité extraordinaire. Ce mythe a évolué au fil des âges, influençant diverses traditions ésotériques et même des idéologies modernes. Explorons cette légende fascinante à travers les témoignages antiques, les interprétations occultistes et les tentatives de localisation géographique.
La légende d’Hyperborée
Dans une contrée mythique, un pays parfait où le soleil brillait constamment, vivait un peuple légendaire dont la vie durait bien plus longtemps que celle des Grecs. Le dieu Apollon y passait ses hivers loin des turpitudes du monde, et sa mère Léto était originaire de ces contrées.
Le pays d’Hyperborée se trouvait dans les contrées septentrionales, au-delà des mines d’or gardées par les griffons. Plusieurs héros de la mythologie traversent les terres hyperboréennes : Thésée, Persée ainsi qu’Héraclès lors de ses travaux. Il devait capturer la biche de Cérynie aux sabots d’airain et aux bois d’or, une créature sacrée de la déesse Artémis, qui était native d’Hyperborée comme son frère Apollon.
La légende raconte l’histoire des vierges Laodice et Hypéroché, qui voyagèrent du pays des Hyperboréens jusqu’à l’île de Délos afin d’offrir des présents au dieu Apollon. Les deux vierges moururent dans la ville et des honneurs funèbres leur furent rendus.
Abaris l’Hyperboréen est un personnage semi-légendaire, sage ou mage, ambassadeur de la lointaine Hyperborée et prêtre du dieu Apollon. Il arriva en Grèce lors des 53e Olympiades. D’après la légende, il pouvait vivre sans manger et se déplaçait dans les airs sur une flèche d’or. Il serait le fondateur du temple de Perséphone en Thrace, et les philosophes parlent de lui comme d’un thaumaturge, capable de faire cesser les orages et les famines.
La légende d’Aristée de Proconnèse, adorateur d’Apollon l’Hyperboréen, évoque ses voyages vers les terres mythiques où il aurait été initié au secret magique. Bien que ce personnage ait réellement existé au 7e siècle av. J.-C., son voyage en Hyperborée est plus mythique qu’historique, il est plus probable qu’il se soit rendu en Thrace, célèbre pour les cultes mystériques d’Orphée et de Zalmoxis.
La légende d’Hyperborée évolue au cours de l’Antiquité, passant d’une terre mythique des dieux à une tentative des géographes et explorateurs de la localiser sur une carte. Cette quête aboutit à la naissance du mythe de l’île de Thulé, souvent associée à l’Islande, l’Irlande, les îles britanniques ou encore les terres scandinaves.
Le mythe d’Hyperborée est parfois rattaché à la mythologie nordique, mais les éléments concrets manquent pour le prouver. La légende est avant tout grecque, et les allégations d’un lien avec les peuples scandinaves ou germaniques reposent sur des constructions idéologiques du 19e siècle, reprises dans les milieux néo-païens modernes.
Les sources textuelles antiques
La première mention des Hyperboréens nous vient d’Hésiode au 7e siècle av. J.-C., ainsi que dans les Épigones, un texte attribué à Homère ou à Antimaque de Téos. Apollon et Artémis sont souvent qualifiés d’Hyperboréens, passant une partie de l’année dans ces régions. Hyperborée devient une terre lointaine et mythique, lieu de résidence des dieux ou des sages.
Hérodote, dans son “Histoire”, mentionne Aristée de Proconnèse qui, inspiré par Phébus, se rend chez les Hyperboréens. Cependant, il ne fournit aucune information géographique précise, évoquant plutôt des éléments mythologiques comme un peuple de cyclopes et des griffons. Il est probable que la terre mythique soit une allégorie des territoires inconnus au nord de la Grèce.
Diodore de Sicile, dans sa “Bibliothèque historique”, fournit une description plus détaillée d’Hyperborée, situant cette terre au-delà de la Celtique, dans l’Océan. Les Hyperboréens vivent dans une île fertile, dédiée à Apollon, où les nuits sont courtes et les jours longs. Ces descriptions, bien que poétiques, renforcent l’idée d’un lieu idéalisé et lointain.
Virgile et Procope de Césarée évoquent également des contrées septentrionales, mais ils ne font pas explicitement le lien avec Hyperborée. Le navigateur grec Pythéas de Marseille, lors de son voyage en -325, aurait découvert l’île de Thulé, qu’il situe à proximité du cercle polaire. Cependant, Pythéas ne fait pas référence aux Hyperboréens, et l’association entre Thulé et Hyperborée est une construction postérieure.
Hyperborée vue par les occultistes et les völkisch
Au Moyen Âge, l’Islande est appelée Thulé, et le Groenland prend le nom d’Ultima Thulé. Le 19e siècle marque un tournant avec des auteurs comme Goethe qui fusionnent les légendes de Thulé et de l’Atlantide. Les mouvements occultistes s’emparent du sujet, exhumant les sages mythiques hyperboréens. Helena Blavatsky, dans “La Doctrine Secrète”, présente les Hyperboréens comme des êtres translucides et semi-divins, créant une nouvelle mythologie en accord avec ses croyances.
Blavatsky réinterprète le mythe hyperboréen pour en faire un continent perdu abritant une race divine. Ses idées sont reprises par les mouvements völkisch, qui voient dans les Hyperboréens les ancêtres des Germains. Guido von List développe une nouvelle religion, le Wotanisme, prônant le retour aux anciennes croyances aryennes/hyperboréennes. La société Thulé, fondée en 1918, défend la pureté raciale germanique, influençant l’idéologie nazie. Le mythe d’Hyperborée est ainsi perverti pour promouvoir des idéologies raciales.
Mais qui sont les Hyperboréens ?
Dépoussiérons cette légende des interprétations modernes pour tenter de comprendre qui étaient vraiment les Hyperboréens. Le rapport entre l’Atlantide et Hyperborée n’est pas cohérent, et les auteurs antiques ne les relient pas. La localisation de Thulé par Pythéas ne correspond pas non plus aux descriptions des Hyperboréens.
Hyperborée est avant tout un mythe grec. Il est logique de situer les Hyperboréens à la périphérie du monde grec, dans les contrées septentrionales au-delà de la Thrace et de l’Illyrie. Les Thraces, connus pour leurs pratiques mystériques, pourraient avoir inspiré ce mythe.
Une théorie place les Hyperboréens dans le Doggerland, mais cette région était déjà submergée bien avant l’époque des mythes grecs. Les constructeurs de mégalithes sont une autre possibilité, leur culture ayant pu laisser une impression durable dans les mémoires grecques.
Diodore de Sicile distingue les Hyperboréens des Celtes, mais cette distinction n’était peut-être pas valable à l’époque archaïque. Les Celtes, avec leurs druides réputés pour leur sagesse et leurs pratiques magiques, pourraient être les Hyperboréens des légendes grecques. Les Grecs, connaissant mal les régions au-delà de la Thrace, auraient assimilé ces sages celtes aux habitants mythiques d’Hyperborée.
Conclusion
Le mythe d’Hyperborée est une fascinante construction grecque, reflétant à la fois les connaissances limitées des anciens Grecs sur les régions septentrionales et leur imaginaire florissant. Bien que réinterprétée et détournée par les occultistes et les idéologues modernes, la légende reste un témoignage précieux de la façon dont les anciens peuples percevaient le monde au-delà de leurs frontières connues. Loin d’être une réalité géographique, Hyperborée demeure un symbole de mystère et de sagesse, une terre bénie des dieux, née de l’imaginaire grec.

Bibliographie :
- Les civilisations oubliées, Ludovic Richer
- Hérodote, histoire livre 4
- Diodore de Sicile, bibliothèque historiques livre 2
- Platon, Charmide
- Procope de Césaré, description de l’ile de Thulé
- Pline l’ancien, histoire naturelle
- Virgile, Géorgique
- Strabon, geographie
- Hésiode, Théogonie
- Jan Lichardus, Marion Lichardus-Itten, La Protohistoire de l’Europe. Le Néolithique et le Chalcolithique entre la Méditerranée et la mer Baltique
- Ferdinand Lallemand, Journal de bord de Pythéas
- Jean Mabire, Thulé, le Soleil retrouvé des hyperboréens
- Helena Blavatsky, la doctrine secrete
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