Excalibur est sans nul doute la plus célèbre des épées magiques. Cette dernière apparaît dans la légende du roi Arthur à l’époque médiévale. De nos jours, de nombreuses œuvres de fiction nous présentent la légende sous cette forme. Excalibur est une épée magique qui est piégée dans un rocher, et celui qui la retirera deviendra le roi du royaume de Logres. C’est Arthur qui parvient à réaliser cet exploit. L’épée magique devient le symbole de sa fonction royale et sera une précieuse alliée lors des combats grâce à ses pouvoirs magiques. À sa mort, Arthur aurait donné l’ordre qu’elle soit jetée dans le lac d’Avalon afin qu’aucun homme ne s’empare de son grand pouvoir. Mais s’agit-il bien de la légende d’origine, et surtout, de quand date cette histoire, qui l’a décrite et de quoi s’inspire-t-elle ?
Les Origines Littéraires d’Excalibur
Historiquement, c’est Chrétien de Troyes, un auteur français du XIIe siècle, qui utilise le nom d’Excalibur pour la première fois, mais lui-même s’inspire de traditions précédentes de la matière de Bretagne, qui utilisent d’autres noms pour l’épée magique d’Arthur.
Quelques années avant Chrétien de Troyes, Geoffroy de Monmouth, dans Historia Britonum, donne le nom de Caliburnus à l’épée d’Arthur. C’est probablement de là que Chrétien de Troyes transforme le nom en Excalibur, qui pourrait venir du latin EX CAL LIBER (qui veut dire « libéré du caillou »). Cependant, Geoffroy de Monmouth s’inspire lui-même de noms plus anciens avant de nommer l’épée d’Arthur Caliburnus.
C’est au pays de Galles que l’on trouve des occurrences plus anciennes, notamment dans le texte Culhwch ac Olwen du XIe siècle, le plus long texte gallois sur la légende arthurienne. L’épée du roi se nommait alors Caledvwlch, qui voudrait dire « dure entaille ». Certains auteurs font un rapprochement phonétique avec le mythe irlandais de l’épée du dieu Nuada, qui s’appelait Caladbolg et qui veut dire « dure foudre ».
Excalibur et les Mythes Celtiques
L’épée d’Arthur serait donc inspirée par l’épée du dieu Nuada de la mythologie irlandaise, mais à ce stade, on ne parle pas d’une lame piégée dans un rocher, juste d’une épée aux attributs magiques. En effet, Nuada est le roi des dieux irlandais, mais ce n’est pas son épée qui lui accorde sa légitimité et sa souveraineté, mais un autre artefact du nom de Pierre de Fal, ou « pierre qui crie ». La légende nous dit que lorsque le roi légitime s’assoit dessus, la pierre se met à crier, mais si l’homme est indigne, il perdra toutes ses forces. La pierre était également utilisée dans le cadre de la justice.

Nous avons donc deux artefacts magiques dans les mythes irlandais : une pierre magique qui désigne le roi en criant et une épée magique au pouvoir de la foudre, portée par le même dieu-roi. C’est l’association des deux symboles qui va donner la légende d’Excalibur retirée du rocher. Cependant, les choses ne sont pas si simples.
L’Évolution de la Légende d’Excalibur
Les premiers textes de la geste arthurienne ne nous donnent aucune indication sur l’origine de l’épée magique. C’est Robert de Boron, un auteur du XIIIe siècle, qui va développer la légende de l’épée dans le rocher.

Dans le texte, Merlin le magicien cherche une solution pour mettre fin au conflit qui ravage la Bretagne. Pour cela, il fait apparaître une enclume sur un gros bloc de pierre avec une épée plantée dedans. Celui qui réussira à la retirer sera désigné roi du royaume de Logres, et c’est bien entendu Arthur qui réussira cet exploit. Mais voilà, il y a un autre problème : l’épée n’a pas de nom, elle est juste appelée l’épée du perron. L’épée n’est pas spécialement magique, c’est le rocher et l’enclume qui désignent le roi, comme la Pierre de Fal des anciens mythes.
Excalibur, quant à elle, n’a toujours pas d’origine définie à ce stade. On la retrouve sous de multiples noms : Excalibor, Escalibor, Excaliber, Calibourne ou encore Chastiefol, mais elle n’est pas l’épée du rocher. Il faudra attendre le XVe siècle et les textes de Thomas Malory pour donner une origine littéraire à l’épée Excalibur. L’artefact magique fut offert à Arthur par la Dame du Lac afin de lui assurer la victoire dans ses combats. C’est de ce fait une épée magique offerte par une fée, et on peut l’associer au mythe de l’épée de Nuada des traditions anciennes ou à des équivalents dans le monde celtique.

Excalibur est une arme exceptionnelle qui ne peut être brisée et qui peut trancher toute matière, mais son fourreau était magique également et assurait l’invulnérabilité au combat pour le roi. Mais un grand pouvoir doit s’accompagner de sagesse. C’est ainsi que Merlin enseigne les pouvoirs du fourreau à Arthur lors d’une discussion. Le magicien lui dit : « Qui des deux est le plus précieux ? L’épée ou le fourreau ? » Arthur répondit : « L’épée, assurément. » Mais Merlin lui dit : « Faux, c’est le fourreau, car tant que tu le posséderas, tes ennemis ne pourront te tuer. »
D’autres légendes plus modernes disent que c’est Morgane, la demi-sœur d’Arthur, qui aurait cousu le fourreau. Cependant, cela ne se retrouve pas dans les anciens textes. Il est probable que, dans la version de Malory, l’épée et le fourreau furent donnés ensemble par la Dame du Lac.
La Fin de la Légende et l’Héritage d’Excalibur

Cependant, Arthur, malgré son épée magique, trouvera la mort à la bataille de Camlann. Cela est dû au fait que son fourreau fut dérobé, par Morgane dans certaines versions de la légende. Arthur, sur son lit de mort, ordonne alors que son épée soit rendue au lac. Il charge le chevalier Bedivere de cette mission. Le chevalier lance l’épée dans le lac magique d’où elle était apparue bien des années plus tôt, et Thomas Malory, dans La Morte d’Arthur, nous dit que c’est la main de la Dame du Lac qui surgit des eaux pour reprendre l’épée.
Il n’est pas possible d’affirmer que l’épée Excalibur ait réellement existé, pas plus que le roi Arthur. Cependant, l’objet légendaire devint un objet de convoitise, et ce, depuis le Moyen Âge. Bien avant la légende de l’épée du rocher et l’étalage des pouvoirs magiques d’Excalibur, plusieurs souverains prétendirent avoir hérité de l’épée d’Arthur, quel que soit son nom d’ailleurs. Cette histoire commence à la fin du XIIe siècle, lorsque Henri II Plantagenêt règne sur l’Angleterre et cherche à asseoir sa légitimité après les guerres de succession.
C’est ainsi que Wace rédige Le Roman de Brut, faisant des Plantagenêts les successeurs d’Arthur et donc des rois légitimes. Les moines de l’époque prétendent avoir retrouvé la tombe d’Arthur et de Guenièvre à Glastonbury, mais également l’épée Excalibur, qui fut offerte au roi Henri II, successeur d’Arthur. C’est ensuite son fils, Richard Cœur de Lion, qui en hérita et l’aurait portée lors des croisades. Une autre version de la légende nous dit qu’il la céda au roi Tancrède de Sicile contre une vingtaine de navires. Richard Cœur de Lion aurait été dépossédé de l’épée lors de sa captivité par l’empereur du Saint-Empire Henri VI, et nous n’entendrons plus jamais parler de l’épée d’Arthur.
Excalibur à travers les œuvres de fiction
Si l’histoire d’Excalibur puise ses racines dans les récits médiévaux, son influence dépasse largement le cadre des manuscrits anciens. De siècle en siècle, son image s’est façonnée et transformée, nourrissant l’imaginaire collectif et inspirant les plus grandes œuvres de fiction.
Dans la littérature, elle traverse les âges, magnifiée par les romans arthuriens qui, du Morte d’Arthur de Malory aux récits modernes, réinventent sans cesse son légendaire. Dans l’univers du Cycle de Pendragon de T.H. White ou encore dans les récits de Marion Zimmer Bradley avec Les Dames du Lac, Excalibur devient bien plus qu’une simple arme : elle est le pivot d’une quête initiatique, l’artefact qui scelle la destinée des rois et des héros.

Mais c’est surtout avec le cinéma et la culture populaire que l’épée d’Arthur se transforme en véritable icône mythique. Du chef-d’œuvre Excalibur (1981) de John Boorman, qui offre une vision sombre et envoûtante de la légende, aux nombreuses adaptations hollywoodiennes, chaque interprétation réinvente son pouvoir et son symbolisme. Dans les récits contemporains, elle devient tantôt une arme divine, tantôt un objet maudit, marquant l’éternel dilemme du pouvoir : celui qui la brandit en est-il vraiment digne ?
Les jeux vidéo et les bandes dessinées n’échappent pas non plus à cette fascination. De Final Fantasy à The Legend of Zelda, en passant par Fate/Stay Night, où Excalibur incarne l’essence même du pouvoir héroïque, elle s’adapte aux imaginaires modernes tout en conservant son aura mystique. Dans les comics, notamment chez Marvel ou DC, elle est réinterprétée sous diverses formes, relique des temps anciens ou arme ultime des justes.
Ainsi, d’un simple artefact du légendaire arthurien, Excalibur est devenue un archétype universel, un symbole intemporel du pouvoir et de la destinée. Sa présence dans les œuvres de fiction prouve qu’au-delà de la légende, l’épée du roi Arthur continue d’exister, non plus dans la roche ou sous les eaux du lac, mais dans l’esprit de ceux qui, siècle après siècle, la brandissent à travers l’imaginaire.
Conclusion
Ainsi, Excalibur demeure l’un des artefacts les plus emblématiques de la légende arthurienne, oscillant entre mythe et réalité historique. Son origine, forgée à la croisée des traditions celtiques et médiévales, témoigne d’un syncrétisme fascinant où se mêlent influences mythologiques, enjeux politiques et symboles initiatiques. D’abord simple épée du roi Arthur, puis lame investie d’un pouvoir surnaturel, elle incarne à la fois la souveraineté, la destinée et l’autorité divine du monarque. Son lien avec la Dame du Lac et le fourreau aux propriétés magiques souligne la double nature de cette arme : instrument de pouvoir et symbole de protection. Mais au fil des siècles, Excalibur dépasse le cadre des textes arthuriens pour devenir un véritable enjeu de légitimation. Les rois, qu’ils soient Plantagenêts ou croisés, s’efforcent de s’approprier cet héritage fabuleux, cherchant dans cette lame mythique la confirmation de leur propre droit au trône.
Aujourd’hui encore, Excalibur continue de nourrir l’imaginaire collectif, transcendée par la littérature, le cinéma et l’histoire populaire. Son mythe, loin de s’éteindre, persiste comme une allégorie intemporelle du pouvoir et de la destinée, rappelant que toute souveraineté repose autant sur la force d’une épée que sur la sagesse de celui qui la brandit.
Bibliographie
- Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Britanniae
- Culhwch ac Olwen
- Les oeuvres de Chrétiens de Troyes
- Roman de Merlin, Robert de Boron
- Cycle du Lancelot-Graal
- La morte d’Arthur, Thomas Malory
- La Légende du Roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde, Jacques Boulenger
- La légende du roi Arthur, Martin Aurell