Mythologie Inca

La civilisation inca naît au XIIIe siècle dans la vallée de Cusco, au Pérou. À partir du XVe siècle, sous la conduite de Pachacutec, les Incas fondent un empire qui s’étend progressivement, atteignant son apogée sous le règne de Huayna Capac en 1525. La mythologie inca joue un rôle clé dans cette civilisation. Quelques années plus tard, l’arrivée des conquistadors marque la chute de cet empire. À son extension maximale, l’empire inca domine un immense territoire, s’étendant de la Colombie au Chili.

La mythologie inca, et plus largement celle de l’Amérique du Sud, demeure encore aujourd’hui mal connue. Cela s’explique en grande partie par l’absence d’un système d’écriture chez les Incas. Les quipus, un système de cordelettes tressées et colorées, permettaient de transmettre des informations numériques, des statistiques, et peut-être même certains mots-clés. Toutefois, ce système ne constituait pas une écriture complète, contrairement aux hiéroglyphes des Mayas ou aux pictogrammes des Aztèques en Méso-Amérique.

Ainsi, les principales sources sur la mythologie et les croyances incas proviennent essentiellement des chroniqueurs espagnols, et plus particulièrement des prêtres missionnaires. Plus tard, certains autochtones consignèrent également leurs anciens mythes en utilisant l’écriture espagnole, mais à ce moment-là, l’empire était déjà détruit. Enfin, l’archéologie offre un autre moyen d’accès à cette mythologie. Les vestiges découverts permettent d’ouvrir certaines pistes et de confronter ces éléments matériels aux récits des chroniques.

La création du monde 

La mythologie inca s’articule autour de cycles de création et de destruction, formant cinq âges, chacun d’une durée d’environ un millénaire.

Le premier âge : l’Obscurité

Au commencement, le monde était plongé dans l’obscurité et les hommes n’avaient pas encore développé de civilisation. C’est alors que le dieu Viracocha émergea du lac Titicaca pour créer la première humanité, une race de géants. Cependant, ces êtres se révélèrent mauvais et belliqueux. Pour mettre fin à ce premier âge, Viracocha les transforma en pierre.

Le deuxième âge : l’Aurore

Viracocha façonna une nouvelle humanité en sculptant des hommes à partir de pierres du lac Titicaca. Il mit fin aux ténèbres en plaçant dans le ciel le soleil (Inti) et la lune (Killa), illuminant ainsi le monde. Ce deuxième âge fut marqué par les débuts de l’agriculture, un don du dieu aux hommes. Les populations vivaient paisiblement, vêtues de peaux de bêtes. Toutefois, cet âge prit fin lorsque le soleil cessa sa course, entraînant la destruction du monde.

Le troisième âge : l’Âge de Pachacamac

Le dieu Pachacamac créa une nouvelle humanité, inaugurant l’ère des premières sociétés organisées. Les hommes maîtrisèrent pleinement l’agriculture et le tissage, confectionnant des vêtements en laine. Cependant, cette période fut également marquée par l’émergence des guerres entre clans. Finalement, Viracocha mit un terme à cet âge en déclenchant un grand déluge.

Le quatrième âge : l’Âge des Clans

Dans ce nouvel âge, les hommes se divisèrent en quatre clans et furent contraints de bâtir des maisons en pierre pour se protéger. Mais l’humanité sombra dans des guerres incessantes, conduisant le monde à sa propre destruction.

Le cinquième âge : l’Âge du Soleil

Ce dernier âge est celui des Incas et du règne du soleil. Il symbolise l’apogée de la civilisation inca et l’ordre établi sous l’autorité divine d’Inti, leur dieu solaire.

L’origine mythique de l’Empire inca

La légende de Manco Cápac est propre au peuple inca et raconte la fondation de leur civilisation. Selon les versions, le dieu Inti (le Soleil) ou Tici Viracocha donna naissance à un homme-dieu, Manco Cápac, et à sa femme et sœur, Mama Ocllo. Ils seraient nés soit dans les profondeurs du lac Titicaca, soit dans une grotte appelée Pacaritambo. Dans cette seconde version, Manco Cápac n’était pas seul : il avait trois frères et leurs épouses respectives.

Quelle que soit la variante du récit, ces figures divines furent envoyées sur Terre avec pour mission d’édifier un temple en l’honneur du dieu solaire, leur père, et de fonder un empire. Pour l’aider dans cette tâche, Manco Cápac reçut un sceptre d’or, le Tapac-Yauri, un objet sacré qui devait lui indiquer l’endroit idéal pour établir la future cité du Soleil. Les envoyés divins entamèrent alors un long pèlerinage à la recherche du lieu propice à la fondation de leur royaume. Après de nombreuses péripéties, ils arrivèrent dans la vallée de la rivière Huatanay. Là, Manco Cápac planta son sceptre d’or dans le sol, marquant ainsi l’emplacement de la future cité sacrée : Cuzco, dont le nom signifie « nombril du monde ».

Les fils du Soleil partirent alors à la rencontre des populations locales. Manco Cápac leur enseigna l’agriculture et l’artisanat, tandis que Mama Ocllo leur transmit le savoir du tissage. Ainsi naquit l’Empire inca, qui allait progressivement étendre sa domination sur une grande partie de l’Amérique du Sud. Manco Cápac devint le premier Sapa Inca, le souverain suprême et l’incarnation du Soleil sur Terre. Après une longue vie, il mourut et son corps fut momifié, puis déposé dans l’Inticancha, le temple du Soleil. Son fils lui succéda, perpétuant la lignée divine des Incas. Cette dynastie se poursuivit jusqu’à Pachacutec, considéré comme le premier véritable empereur historique de l’Empire inca. Il est probable que ce dernier ait été à l’origine de cette légende, qui faisait de lui le neuvième descendant du dieu solaire Inti.

L’organisation du monde 

La vision cosmologique des Incas reposait sur une division du monde en trois plans distincts, appelés Pachas :

Hanan Pacha : le monde céleste

Le Hanan Pacha était le domaine des dieux et des astres, comprenant le Soleil, la Lune et les étoiles. C’était le royaume des divinités suprêmes, où résidaient les forces cosmiques qui régissaient l’univers.

Kay Pacha : le monde terrestre

Le Kay Pacha était le monde des hommes, où la vie se déroulait. Il était relié au Hanan Pacha par les éclairs et les arcs-en-ciel, considérés comme des passerelles entre les sphères célestes et terrestres. Ce monde était voué à être détruit et recréé successivement à travers les cinq âges de l’humanité. Les Incas interprétèrent l’arrivée des conquistadors comme le signe de la cinquième destruction prophétique et annonçaient l’avènement d’un sixième âge, marquant la renaissance de l’Empire inca.

Uku Pacha : le monde souterrain

Le Uku Pacha représentait le royaume des morts, un monde souterrain en contact avec la surface à travers les grottes, les galeries et les sources d’eau qui s’enfonçaient sous terre. Tous les humains devaient passer par le Uku Pacha après leur mort, un lieu d’épreuves et de purification. Supay, le dieu des morts, régnait sur cet univers. Il était une divinité redoutée, souvent perçue comme maléfique. Il commandait une armée de démons, considérés comme ses enfants. Pour apaiser Supay et éviter sa colère, de nombreux sacrifices lui étaient offerts.

Le Panthéon des Dieux

Le panthéon inca était riche et diversifié, chaque dieu ayant un rôle spécifique et une influence particulière sur les aspects de la vie quotidienne et de la nature.

Inti, le Dieu du Soleil

Inti, le dieu du soleil, occupait une place centrale dans la mythologie inca. Vénéré comme le souverain suprême, Inti était responsable de la fertilité des terres et du cycle des saisons. Les Incas croyaient que leur empereur, le Sapa Inca, était le fils direct d’Inti, conférant ainsi une légitimité divine à leur règne. Les festivités en l’honneur d’Inti, telles que l’Inti Raymi, étaient des moments clés dans le calendrier inca, marquant le solstice d’hiver et célébrant le retour progressif du soleil.

Viracocha, le Dieu Créateur

Viracocha, le dieu créateur, était vénéré pour sa sagesse et sa bienveillance. Après avoir créé le monde et les premiers êtres humains, il leur enseigna les arts, l’agriculture et les lois de la civilisation. Les légendes racontent qu’il poursuivit son voyage à travers le monde, apportant la lumière de la connaissance à tous ceux qu’il rencontrait. Viracocha était souvent invoqué dans les moments de crise et de renouveau, symbolisant l’espoir et la renaissance.

Pachamama, la Déesse de la Terre

Pachamama, la déesse de la Terre, était adorée pour sa capacité à nourrir et à soutenir l’humanité. Elle était au centre des rituels agricoles, assurant la fertilité des champs et la prospérité des récoltes. Les Incas faisaient régulièrement des offrandes à Pachamama, incluant des produits de la terre et des animaux, pour s’assurer de sa bienveillance et de sa protection. Pachamama était perçue comme une figure maternelle, une protectrice généreuse mais exigeante.

Mama Quilla, la Déesse de la Lune

Mama Quilla, la déesse de la lune, était considérée comme la protectrice des femmes et des mariages. Elle jouait un rôle crucial dans le calendrier agricole et rituel des Incas, régulant les cycles menstruels et les marées. Mama Quilla était vénérée pour sa douceur et sa lumière argentée, ses temples souvent associés à des observatoires lunaires où les prêtres surveillaient les phases de la lune.

Supay, le Dieu des Enfers

Supay, le dieu des enfers et des morts, régnait sur Ukhu Pacha, le monde souterrain. Les Incas avaient une vision dualiste de l’après-vie, où les âmes vertueuses rejoignaient le Hanan Pacha, tandis que les âmes des pécheurs erraient dans Ukhu Pacha. Supay, souvent représenté comme une créature monstrueuse, régnait sur une armée de démons et d’esprits maléfiques. Les rituels destinés à Supay visaient à apaiser sa colère et à éviter les maladies et les malheurs.

Les Apus, les Esprits des Montagnes

Les Apus, ou esprits des montagnes, étaient des figures centrales dans la spiritualité inca. Les Incas croyaient que chaque montagne possédait un esprit protecteur qui veillait sur les terres et les communautés environnantes. Les montagnes étaient considérées comme des lieux sacrés, et les pèlerinages vers leurs sommets étaient des actes de dévotion profonde. Les Apus pouvaient offrir des conseils et des avertissements à ceux qui savaient les écouter.

Cérémonies et les Rituels

Les mythes et légendes incas se transmettaient de génération en génération par le biais de récits oraux et de cérémonies rituelles. Ces rites, véritables moments de communion entre les hommes et les dieux, renforçaient à la fois les liens sociaux et spirituels au sein de la communauté.

L’Inti Raymi, la Fête du Soleil, était la plus grande célébration inca, marquant le solstice d’hiver en hommage à Inti, le dieu solaire. Danses, chants, offrandes et sacrifices rythmaient cette festivité, destinée à s’attirer les faveurs divines pour l’année à venir. C’était aussi un moment clé du pouvoir impérial, où le Sapa Inca jouait un rôle central, consolidant ainsi l’unité de son empire.

Les offrandes à Pachamama étaient essentielles pour garantir la fertilité des terres. En son honneur, les Incas déposaient régulièrement des produits agricoles, des animaux et, dans certains cas, pratiquaient des sacrifices humains. Ces cérémonies, empreintes de danses, de chants et de prières, visaient à s’attirer la protection et la générosité de la déesse de la terre.

Les rituels lunaires dédiés à Mama Quilla s’articulaient autour des cycles de la lune. Les Incas lui offraient des bijoux en argent et récitaient des prières pour protéger les mariages et les femmes. Ces rites rythmaient également les travaux agricoles et assuraient l’équilibre des cycles sociaux, renforçant le lien entre la société et les forces cosmiques.

Les cérémonies funéraires en l’honneur de Supay, dieu des morts, visaient à assurer le bon passage des âmes vers l’au-delà. Offrandes de nourriture, vêtements et objets personnels accompagnaient les défunts dans Ukhu Pacha, le monde souterrain. Les Incas croyaient que ces offrandes apaisaient Supay et protégeaient les âmes dans l’au-delà.

Enfin, les pèlerinages vers les montagnes sacrées, lieux de résidence des Apus, esprits protecteurs, étaient des actes de dévotion majeurs. En escaladant ces sommets, les Incas faisaient des offrandes et priaient pour obtenir protection et guidance. Ces ascensions étaient perçues comme des moments de purification spirituelle et de renforcement des liens communautaires.

Conclusion

La mythologie et les croyances incas forment un ensemble complexe et fascinant, structuré autour de cycles cosmiques, de divinités puissantes et de rituels sacrés. À travers leurs légendes, les Incas expliquaient l’origine du monde, la destinée de l’humanité et l’équilibre entre les forces célestes, terrestres et souterraines. Ces récits, transmis oralement et perpétués par des cérémonies rituelles, rythmaient la vie sociale et spirituelle de l’Empire.

Les Incas ne voyaient pas leur monde comme figé, mais en perpétuel renouvellement. Les destructions successives de l’humanité et les prophéties d’un sixième âge témoignent d’une vision cyclique du temps, où la fin n’est jamais définitive, mais annonce un renouveau. Cette conception transparaît également dans leurs pratiques religieuses, où les sacrifices, les offrandes et les pèlerinages visaient à maintenir l’ordre du cosmos et la prospérité de leur civilisation.

Bien que l’Empire inca ait été brutalement anéanti par la conquête espagnole, son héritage mythologique et spirituel perdure encore aujourd’hui à travers les traditions des peuples andins. La fête de l’Inti Raymi, les cultes dédiés à Pachamama et le respect des Apus sont autant de témoins d’un passé sacré qui continue d’inspirer et de façonner l’identité culturelle de la région. Ainsi, au-delà des ruines majestueuses de Cuzco ou du Machu Picchu, c’est tout un univers de croyances et de symboles qui survit, vibrant encore au rythme des montagnes et des astres.

Bibliographie

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