L’évangile ésotérique de Jean 

Aujourd’hui, nous allons parler de l’Évangile de Jean, l’un des textes majeurs du christianisme. Loin d’être un simple récit religieux, l’Évangile selon Jean demeure, à bien des égards, une énigme à multiples facettes. Imprégné d’une pensée ésotérique, il se distingue nettement des trois autres évangiles canoniques. Dans cet article, nous allons tenter de répondre à plusieurs questions :

  • Qui est l’auteur de ce texte et quand a-t-il été composé ?
  • Que nous raconte ce texte, et comment peut-on l’analyser ?
  • Quelles sont ses influences ?
  • Existe-t-il un lien avec les courants gnostiques de l’Antiquité ?
  • Pourquoi les francs-maçons et d’autres groupes ésotériques utilisent-ils ce texte plutôt que les autres évangiles ?

Autant de questions qui nous plongeront au cœur des premiers siècles du christianisme…

La religion chrétienne s’appuie sur un corpus de textes appelé le Nouveau Testament, qui comprend les quatre évangiles dits canoniques : ceux selon Matthieu, Marc, Luc et Jean.

En plus de ces évangiles, on y trouve :

  • Les Actes des Apôtres,
  • Les Épîtres,
  • et le Livre de l’Apocalypse, que j’ai déjà présenté dans un autre article.

Cet ensemble de textes forme la base commune des différentes Églises chrétiennes. Cependant, au-delà de ces écrits, il existe un autre corpus de textes considérés comme apocryphes ou non reconnus par le premier concile de Nicée, tenu en 325. Dans ces textes apocryphes, on observe souvent des points de vue théologiques très éloignés des écrits canoniques. Toutefois, l’Évangile de Jean, bien qu’accepté comme canonique, présente certaines similitudes avec cette littérature dite gnostique.

À partir de ce constat, et depuis de nombreux siècles, l’Évangile selon Jean a suscité un large éventail de questions et de spéculations sur ses origines. Pour certains, cet évangile dépasse le cadre d’une simple narration de la vie et des enseignements de Jésus-Christ. Il est perçu comme un réceptacle des secrets spirituels les plus élevés, une clé pour comprendre les mystères du christianisme.

Entrons donc dans la première partie de cet article pour explorer l’histoire et les origines complexes de ce texte.

Qui est l’auteur de l’Évangile selon Jean ?

Comme son nom l’indique, l’Évangile selon Jean est traditionnellement attribué à Jean, l’un des disciples de Jésus-Christ. Cependant, cette attribution reste controversée, et de nombreux problèmes ont été soulevés par les chercheurs.

Sur le plan biblique :

jean l'évangéliste

Jésus est censé être né en l’an 1 de notre ère et être mort en l’an 33. D’un point de vue historique, les historiens s’accordent plutôt sur une naissance autour de l’an -7 et une mort vers l’an 30 ou 33. Concernant Jean, fils de Zébédée, nous ne disposons d’aucune information précise sur sa naissance et sa mort. La tradition, relayée par les Pères de l’Église, propose une naissance vers l’an 10 ou 11 et une mort autour de l’an 99 ou 100. Cependant, ces dates doivent être prises avec précaution, car les Pères de l’Église écrivaient souvent plus d’un siècle après les faits supposés.

Sur le plan historique :

Les débats restent vifs. Les hypothèses sur la mort de Jean varient entre l’an 43 et l’an 100, offrant ainsi une large fourchette. Pour mieux comprendre, intéressons-nous au texte lui-même. L’auteur de l’Évangile se présente comme « le disciple que Jésus aimait », mais cette désignation soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. 

  • Qui est-il ?
  • S’agit-il de l’apôtre Jean ?
  • Ou bien d’un autre disciple anonyme contemporain de Jésus ?

Voici un extrait de l’Évangile de Jean :

Cet extrait ne permet pas d’identifier clairement ce disciple.

La date de composition du texte :

  • Sur le plan archéologique : Le fragment le plus ancien de l’Évangile de Jean date de l’an 125, et le manuscrit complet le plus ancien remonte à l’an 200.
  • Sur le plan historique : Les chercheurs s’accordent généralement pour dater la composition de cet évangile entre l’an 80 et l’an 100, soit à la fin du 1er siècle. C’est le plus tardif des quatre évangiles canoniques.

Cependant, ce texte n’a pas été composé d’un seul tenant. On peut le diviser en deux phases :

  • Une première phase, rédigée par un chrétien de culture hellénique entre l’an 80 et l’an 100, possiblement le fameux « disciple bien-aimé », bien que son identité reste incertaine.
  • Une seconde phase, marquée par des retouches entre l’an 100 et l’an 120, qui introduisent une rupture avec la tradition juive. Cette hypothèse est notamment soutenue par le théologien Raymond Edward Brown.

Les premières mentions historiques de l’Évangile selon Jean :

Le texte a rapidement gagné en importance, suscitant l’intérêt des Pères de l’Église. Toutefois, il n’est pas mentionné en premier par eux, mais par les courants gnostiques.

  • La première référence historique remonte à la fin du 2ᵉ siècle et provient d’Héracléon, un gnostique valentinien.
  • Une autre référence se trouve dans l’Évangile de la Vérité, un texte apocryphe également valentinien.

Cela ouvre la voie à une possible interprétation gnostique de l’Évangile selon Jean, un sujet que nous approfondirons ultérieurement.

Bilan sur l’origine de l’Évangile selon Jean :

  • Nous n’avons aucune certitude sur l’identité de son auteur.
  • Le texte semble avoir été composé en deux phases distinctes, entre l’an 80 et l’an 120, probablement par plusieurs auteurs.
  • Il a été désigné comme « Évangile selon Jean » seulement au 2ᵉ siècle.

Pourquoi l’attribution à Jean ?

L’explication la plus simple serait que l’auteur soit Jean l’Évangéliste, ou un autre disciple du même nom. Cependant, une analyse plus approfondie révèle des divergences significatives avec les trois autres évangiles dits synoptiques.

Notamment :

  • Le texte n’a pas été écrit par un témoin oculaire des événements, comme l’ont souligné des théologiens tels que Hans Conzelmann.
  • L’Évangile de Jean est fortement influencé par la philosophie grecque et s’éloigne de l’orthodoxie juive.

Il semble donc probable que cet évangile ait été rédigé par des chrétiens hellénisés, disciples de l’apôtre Jean ou d’un autre Jean. Ces auteurs seraient issus de la communauté johannique, basée à Éphèse, en Asie Mineure, une région profondément imprégnée de culture grecque.

Maintenant que nous avons retracé, autant que possible, les origines de ce texte, intéressons-nous à son contenu.

Le texte de l’Évangile selon Jean

L’Évangile selon Jean retrace la vie et les enseignements de Jésus, en commençant par le début de son ministère lors de sa rencontre avec Jean le Baptiste (bien que l’épisode du baptême de Jésus ne soit pas mentionné dans ce texte).

Un des éléments les plus marquants de cet évangile est l’introduction du concept de Logos : le Verbe ou le pouvoir divin incarné sur terre sous les traits de Jésus.

Le prologue commence par ces mots :

l'évangile de jean

Ce passage est fascinant à plusieurs égards : il illustre le rôle créateur de Dieu à travers le Logos, tout en soulevant des questions sur la nature du mal symbolisé par les ténèbres. Cela interroge notamment sur l’existence des ténèbres dès l’origine des temps et sur l’omnipotence de Dieu, un sujet que j’aborde dans un autre article.

L’Évangile accorde une place particulière à Jean le Baptiste. En résumé, on peut dire que le ministère de Jésus s’inscrit entre deux figures majeures : Jean le Baptiste au début, et Jean l’Évangéliste à la fin.

On peut également noter que les fêtes consacrées aux deux Jean correspondent aux solstices : celui d’été pour Jean le Baptiste et celui d’hiver pour Jean l’Évangéliste. Ce détail souligne une symbolique forte, ajoutant une dimension spirituelle et cosmique à l’Évangile.

L’Évangile selon Jean relate une série d’événements et d’enseignements qui diffèrent parfois des Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc). On y trouve des miracles, des discours, ainsi que des rencontres clés avec des figures bibliques. Les miracles, au nombre de sept, servent à démontrer la puissance divine de Jésus et à asseoir sa légitimité spirituelle.

Voici la liste des sept miracles :

  • Jésus transforme l’eau en vin lors des noces de Cana.
  • Jésus guérit le fils d’un officier royal qui était sur le point de mourir.
  • Jésus guérit un homme impotent qui était couché près de la piscine de Bethesda depuis 38 ans.
  • Jésus multiplie cinq pains d’orge et deux poissons pour nourrir une grande foule.
  • Jésus marche sur l’eau du lac de Galilée pour rejoindre ses disciples dans une barque.
  • Jésus rend la vue à un homme aveugle-né.
  • Jésus ressuscite Lazare, mort depuis quatre jours.

Ces récits mettent en avant les pouvoirs de Jésus : transmutation, guérison, résurrection et dépassement des lois physiques. Si ces miracles étaient décrits dans un contexte païen, Jésus serait présenté comme un thaumaturge, un alchimiste ou un mage. De tels récits, que l’on retrouve dans de nombreuses traditions mythologiques, visent à illustrer la légitimité divine d’un personnage, et l’Évangile selon Jean ne fait pas exception.

Au-delà des miracles, l’Évangile propose des rencontres qui, sans être des prodiges, servent de cadre à des enseignements.

Voici quelques exemples :

Jésus chasse les marchands du temple, dénonçant ainsi la corruption. Dans ce passage, il annonce également sa future résurrection en trois jours :

Jésus discute de la naissance spirituelle avec Nicodème, abordant la seconde naissance spirituelle et le chemin vers le royaume de Dieu.

Jésus révèle sa nature messianique à une femme samaritaine au puits de Jacob. Ce passage illustre que son message s’adresse à tous, et pas uniquement aux Juifs.

Jésus enseigne lors de la fête des Tabernacles à Jérusalem et s’oppose à l’hostilité des pharisiens. Il affirme que ses enseignements viennent de la divinité et non de lui-même :

Jésus pardonne une femme accusée d’adultère, illustrant le pardon chrétien et l’abolition de la loi du Talion de l’Ancien Testament :

Dans la suite de l’Évangile, Jésus se présente de plus en plus ouvertement comme le Messie et sauveur du monde :

Ces affirmations, perçues comme des déclarations de foi par les croyants, sont parfois considérées comme prétentieuses par les non-croyants. Elles visent à affirmer la vérité absolue du message de Jésus, qui déclare être le seul chemin vers le salut :

L’Évangile poursuit avec des événements clés de la vie de Jésus, menant à la Passion et à sa résurrection :

  • Marie oint les pieds de Jésus avant sa crucifixion.
  • Jésus entre à Jérusalem sur un âne, acclamé par la foule.
  • Jésus célèbre la Pâque avec ses disciples et institue la Sainte Cène.
  • Jésus parle de son départ et de la venue du Saint-Esprit.
  • Jésus est trahi, arrêté, jugé par Pilate et condamné à la crucifixion.

Le récit culmine avec la Passion, la mort de Jésus sur le mont Golgotha, son ensevelissement dans un tombeau, et sa résurrection trois jours plus tard :

Voici un long extrait de ce passage :

Ce passage témoigne du miracle ultime de la résurrection, pilier central de la foi chrétienne, affirmant la divinité du Christ et la véracité de son message. L’Évangile s’achève avec les apparitions de Jésus ressuscité à ses disciples et ses derniers enseignements. Je n’ai ici présenté que les moments clés de l’Évangile selon Jean. Ces passages m’ont semblé essentiels pour en proposer une analyse approfondie, que j’aborderai dans la partie suivante.

L’analyse du Texte :

La religion chrétienne est souvent présentée comme une évolution de la religion juive qui la précède. Cependant, cette explication est trop simpliste. En réalité, le christianisme se fonde sur un ensemble d’éléments préexistants. Certes, il prend naissance au Proche-Orient, dans un environnement juif. Jésus, les apôtres, les auteurs des évangiles et les premiers missionnaires sont tous de culture juive, mais à des degrés divers.

Au 1er siècle de notre ère, la culture hellénistique s’était déjà largement implantée au Proche-Orient grâce aux conquêtes d’Alexandre le Grand, puis à l’influence de l’empire des Séleucides. Ensuite, les Romains dominent la région, eux-mêmes profondément influencés par la philosophie grecque.

Sur le plan religieux, deux factions se dessinent en Judée : d’un côté, les traditionalistes, représentés par les pharisiens, qui souhaitent préserver la culture et la religion juives ; de l’autre, les Juifs hellénisés, qui seront les concepteurs d’une réforme du judaïsme connue plus tard sous le nom de christianisme. Le christianisme naît ainsi d’un habile mariage entre l’héritage juif et la pensée mythique et philosophique grecque, notamment à travers les concepts néoplatoniciens. C’est pourquoi les quatre évangiles canoniques ne sont pas écrits en hébreu, mais en grec.

La localisation géographique éclaire également ce phénomène. Bien que les événements rapportés dans les évangiles se déroulent en Judée, leur rédaction s’est principalement faite dans deux grands pôles de diffusion du christianisme : Antioche en Syrie (pour Matthieu, Luc et possiblement Marc) et Éphèse en Asie Mineure (pour Jean). À Antioche, l’influence grecque est significative, mais à Éphèse, elle est incontournable. De plus, la culture juive y est quasiment absente au cours du 1er siècle. Ainsi, bien que les évangélistes soient issus d’une culture juive, ils adoptent largement la culture hellénistique, ce qui transparaît dans leurs textes, particulièrement dans l’Évangile de Jean.

En comparant les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) avec celui de Jean, qui est le plus hellénisé des quatre, on observe des différences notables :

Au niveau du style narratif et de la structure :

  • Les trois synoptiques partagent une structure similaire : une chronologie des événements de la vie de Jésus, des paraboles et des enseignements, ainsi que des récits de miracles et de guérisons. Ces textes sont concis et se concentrent sur le ministère terrestre de Jésus, souvent sous forme de catalogue. Ils utilisent de nombreuses paraboles, des histoires courtes destinées à enseigner des notions spirituelles.
  • L’Évangile selon Jean adopte un style narratif distinct. Il se caractérise par des dialogues profonds et mystérieux, des signes symboliques (les sept miracles) qui mettent l’accent sur la divinité de Jésus, et des enseignements spirituels complexes. Il ne suit pas la même chronologie que les synoptiques et n’inclut aucune parabole, préférant des discours allégoriques.
  • Jean est célèbre pour son utilisation du double sens : les paroles de Jésus peuvent être interprétées littéralement ou spirituellement. Cette approche invite le lecteur à méditer sur les enseignements du Christ.

Au niveau de la théologie :

  • Les synoptiques mettent l’accent sur les enseignements éthiques, le Royaume de Dieu, et la mission de Jésus en tant que Messie et Sauveur. Ils le décrivent comme le « Fils de l’Homme » et le « Fils de Dieu », mais sans insister sur sa divinité.
  • Jean insiste fortement sur la nature divine de Jésus, à travers des déclarations telles que « Je suis le pain de vie », « Je suis la lumière du monde » ou « Je suis la résurrection et la vie ». Il présente Jésus comme le Logos (le Verbe) incarné.

Au niveau des récits et des miracles :

  • Les synoptiques rapportent de nombreux miracles, souvent centrés sur la compassion de Jésus envers les malades et les opprimés.
  • Jean se limite à sept miracles, qu’il appelle des « signes », pour révéler la gloire et la puissance de Jésus en tant que Fils de Dieu.

L’Évangile selon Jean ressemble davantage à un récit initiatique qu’à un témoignage des événements de la vie de Jésus. En ce sens, il se rapproche des formes littéraires gréco-romaines plutôt que des écrits de l’Ancien Testament.

Voici quelques exemples de l’influence grecque dans l’Évangile de Jean :

  • La philosophie grecque, notamment le néoplatonisme, met en avant la quête individuelle de la connaissance et de la vérité divine (gnosis). L’Évangile de Jean adopte cette approche, comme le montre cette déclaration : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. »
  • L’idée de dualité entre le monde matériel et spirituel, présente dans la philosophie grecque (notamment chez Pythagore), se reflète dans les thèmes de lumière et de ténèbres, de bien et de mal, ou encore de vie éternelle contre mort. Par exemple, le prologue affirme : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. »
  • La notion de Logos, présente dans le prologue (« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu »), rappelle les concepts développés par Héraclite et Philon d’Alexandrie.

Il est important de rappeler que durant les deux premiers siècles du christianisme, de nombreuses communautés interprètent le message christique de différentes manières. La communauté johannique d’Éphèse semble s’être largement émancipée de l’héritage de l’Ancien Testament, tandis que d’autres courants restent enracinés dans la tradition juive.

Lors du concile de Nicée, au 4ᵉ siècle, le canon du Nouveau Testament est établi, incluant l’Évangile selon Jean, et le concile choisit de conserver l’Ancien Testament comme base de la religion chrétienne, faisant du christianisme une « fille » du judaïsme. Cependant, cette posture ne fait pas l’unanimité, notamment auprès de Marcion de Sinope, qui rejette l’Ancien Testament et son Dieu, qu’il oppose au Dieu d’amour des évangiles.

Cette controverse touche particulièrement l’Évangile selon Jean. Rappelons que les premiers auteurs à mentionner ce texte sont les gnostiques valentinien, qui rejettent l’Ancien Testament. Ce rejet sera combattu par les Pères de l’Église, et le gnosticisme sera déclaré hérétique.

Cela soulève une question : l’Évangile selon Jean partage-t-il des idées avec le gnosticisme ?

Les Pères de l’Église affirment que non, tandis que leurs opposants disent que oui. La réponse est difficile à trancher, car ce texte allégorique offre plusieurs niveaux de lecture et peut être interprété différemment selon les croyances du lecteur. Voyons maintenant ce que les adeptes de la gnose et d’autres courants ésotériques disent de cet évangile…

L’Évangile de Jean et l’ésotérisme

L’Évangile de Jean est souvent perçu comme un texte riche en symbolismes et en messages cachés, ce qui l’a rendu particulièrement attrayant pour les mouvements ésotériques à travers les âges.

Déjà durant l’Antiquité, l’Évangile selon Jean partage plusieurs thématiques communes avec la pensée gnostique, notamment :

L’Évangile de Jean et l’ésotérisme
  • La quête de vérité par la connaissance. Les gnostiques croyaient que la rédemption s’obtenait par l’accès à la gnose, une connaissance spirituelle révélée.
  • Le dualisme entre lumière et ténèbres. Les gnostiques considéraient le monde matériel comme l’œuvre d’un faux dieu maléfique, et la voie spirituelle consistait à retrouver le chemin vers le véritable Dieu.
  • La révélation mystique et l’initiation. Selon les gnostiques, Jésus n’est pas Dieu au sens premier du terme, mais un être humain ayant éveillé sa part divine. Il est vu comme un « Homme-Dieu » et un modèle à suivre pour atteindre un état christique.

Des siècles après la disparition du gnosticisme antique, au Moyen Âge, des courants religieux hérétiques comme le catharisme réactivent ces idées. Les Cathares, bien que se définissant comme chrétiens, rejettent les textes de l’Ancien Testament et accordent une place particulière à l’Évangile selon Jean, qu’ils jugent conforme à leur théologie.

Pour les Cathares, l’Église catholique romaine s’oppose à la véritable foi chrétienne. Ils partagent avec les gnostiques des concepts tels que le dualisme, la quête mystique ascétique, et la recherche de la gnose.

Au XVIIIᵉ siècle, la franc-maçonnerie, en tant que tradition ésotérique d’origine chrétienne, réinvestit également l’Évangile de Jean. Lors de leurs rituels, les francs-maçons utilisent la Bible, plus spécifiquement le prologue de cet évangile.

Dans les cérémonies, la Bible est posée sur l’autel du Vénérable Maître et ouverte à la première page de l’Évangile selon Jean. Voici une citation tirée du Rituel d’Apprenti du Rite Écossais Ancien et Accepté :

Les structures maçonniques portent souvent le titre de « Loges de Saint Jean », et leurs travaux s’ouvrent et se ferment par une référence explicite à cet évangile. Voici un extrait du rite :

La franc-maçonnerie célèbre également deux fêtes dans l’année :

  • La Saint Jean-Baptiste, au solstice d’été.
  • La Saint Jean l’Évangéliste, au solstice d’hiver.

Ces célébrations renvoient à la structure symbolique de l’Évangile de Jean : son récit commence avec Jean-Baptiste, annonciateur de la lumière, et se termine avec Jean l’Évangéliste, témoin du passage de la lumière dans ce monde. Au-delà des Cathares et des francs-maçons, de nombreux adeptes de l’ésotérisme chrétien ont une affinité particulière pour cet évangile, alors que les autres évangiles sont rarement utilisés dans un cadre ésotérique. Il est difficile d’affirmer que l’Évangile de Jean est un texte gnostique. Cependant, il partage de nombreuses connexions avec certains textes apocryphes. Cela semble davantage lié à sa forme littéraire qu’à son contenu.

Prenons un exemple pour illustrer ce point :

Quand Jésus dit :

Ce passage peut être interprété de différentes façons :

  • Un catholique dira : Jésus étant la vérité et Dieu lui-même, il faut croire en lui pour être sauvé et accéder au paradis.
  • Un gnostique dira : Jésus, en tant qu’initié, a rétabli sa connexion personnelle avec le divin. Nous devons faire de même pour briser les chaînes de l’illusion matérielle.
  • Un athée dira : Jésus est un gourou prétentieux se présentant comme détenteur d’une vérité unique.
  • Un bouddhiste dira : Jésus exprime une idée similaire à celle du Bodhisattva Guanyin : suivre le chemin de la compassion pour se libérer de l’illusion et atteindre l’état de Bouddhéité.

C’est donc une question de point de vue.

Conclusion :

Nous voici arrivés à la fin de ce voyage. J’espère ne pas vous avoir trop perdu dans cette enquête qui s’est révélée complexe. Évidemment, certains seront en profond désaccord avec mes propos, selon leur cadre de croyances personnelles. Mais comme vous l’aurez compris, mon but n’est pas de :

  • Déterminer si l’Évangile de Jean est vrai ou faux sur le plan théologique.
  • Décider si Jésus a réellement accompli des miracles.
  • Établir si Jésus est Dieu ou un prophète de son temps.

Mon objectif est simplement d’analyser ce texte, ses origines, son contenu, et ses différentes lectures.

Bibliographie :

  • L’évangile selon Saint-Jean
  • Raymond Edward Brown, La Communauté du disciple bien-aimé
  • Raymond Edward Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?
  • Paul Le Cour, L’Évangile ésotérique de Saint-Jean
  • Pierre Grelot, Les Juifs dans l’Évangile de Jean. Enquête historique et réflexion théologique
  • Paul Mattei, le christianisme antique de Jésus à Constantin
  • Bibliothèque de Nag Hammadi : https://www.naghammadi.org/

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Arcana

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture