L’affaire du vampire de Highgate 

Aujourd’hui, nous partons dans la cité londonienne, plus précisément dans le cimetière de Highgate, à la découverte du célèbre vampire de Highgate, qui a terrorisé l’Angleterre à la fin des années 60 et au début des années 70. Il ne s’agit pas d’une histoire du folklore ancien, mais bien d’une légende urbaine relativement récente.

Le Cimetière de Highgate :

Le vampire de Highgate

Tout le monde connaît la légende de Dracula, le plus célèbre des vampires, mais beaucoup moins connaissent la légende du Vampire de Highgate, qui a terrorisé la région londonienne dans les années 70.

Le cimetière emblématique qui va nous intéresser se trouve au nord de Londres, et son aura gothique nous plonge dans une atmosphère particulière. Il fut ouvert au début de l’ère victorienne, en 1839, et possède une architecture remarquable. Les nombreux caveaux et sculptures magnifiques, d’aspect gothique, se dissimulent derrière une végétation laissée à l’abandon.

Le cimetière de Highgate va naturellement attirer les passionnés d’ésotérisme et les curieux en quête de tombeaux célèbres, de la  même façon que notre Père-Lachaise en France. Il n’est pas rare de trouver des praticiens du spiritisme ou autres sorciers amateurs s’adonnant aux arts occultes entre les tombeaux du cimetière.

Un lieu propice aux histoires de sorcières, fantômes et autres vampires. Une légende nous raconte que le créateur de Highgate, Pierre Plogojowitz, aurait été lui-même un vampire. De nombreux témoignages d’apparitions parsèment l’histoire de ce lieu, toutes plus insolites les unes que les autres.

Bram Stoker, l’auteur de Dracula, place une partie de son intrigue dans le cimetière de Highgate : la belle Lucy, vampirisée par Dracula, sera enterrée dans le cimetière et hantera les lieux quelque temps. Le père de Dracula était lui-même un grand passionné des sciences occultes. Il faisait partie de plusieurs sociétés secrètes, notamment la Golden Dawn, et s’intéressait au spiritisme. Il avait probablement connaissance des légendes entourant le cimetière, et le succès littéraire de Dracula amplifia l’aura de mystère autour du cimetière londonien.

Des apparitions dans le cimetière :  

L’histoire qui va nous intéresser maintenant s’est déroulée entre les années 1960 et 1980. Une série d’apparitions va amplifier l’intérêt pour l’occultisme, mais également provoquer un vent de panique dans le secteur.

En 1967, deux jeunes femmes empruntent un raccourci nocturne qui les conduit à proximité du cimetière de Highgate. Prises de terreur, elles observent les morts se relever de leurs tombes et s’enfuient en courant sans demander leur reste.

La même année, un couple déambulait dans l’une des ruelles bordant le cimetière. La femme a l’impression d’être épiée et se retourne pour observer. C’est là qu’elle distingue une créature fantomatique qui la regarde derrière les balustrades en fer du portail. Elle hurle, et son mari confirme avoir vu la même chose. Ils resteront là quelque temps, comme paralysés par la peur, pour observer la créature. Leurs descriptions font état d’une forme hideuse, manifestation du mal absolu.

Plusieurs témoins affirmeront avoir observé des manifestations occultes dans le cimetière de Highgate dans les mois qui suivirent, ainsi que la sensation d’être suivis ou épiés à proximité du lieu.

La chasse au vampire : 

David Farrant

En 1969, un jeune homme féru d’occultisme, nommé David Farrant, décide d’enquêter sur les apparitions du cimetière de Highgate. L’homme en question était un habitué des cercles spirites et avait même créé une organisation appelée la British Occult Society, dans le but d’étudier les manifestations paranormales.

Le 24 décembre 1969, David Farrant va passer la nuit dans le cimetière avec tout son attirail de chasseur de vampires : croix, eau bénite, sainte Bible et, bien sûr, un pieu en bois. 

David Farrant, l’occultiste qui s’improvise chasseur de fantômes, nous racontera son expérience. De nuit, dans le cimetière, il fait la rencontre d’une entité spectrale malfaisante qui semblait absorber ses forces, le laissant en état d’aphasie. Il prétend avoir échappé à son influence grâce à des incantations cabalistiques.

À la suite de son expérience surnaturelle, David Farrant écrit un article qui sera publié en février 1970. L’occultiste y décrit son expérience nocturne et lance un appel à témoins, demandant à toute personne ayant observé des phénomènes inhabituels au cimetière de Highgate de se manifester.

Des dizaines de lettres arrivent, contenant divers témoignages. Certains parlent d’apparitions fantomatiques ou de morts sortant de leurs tombes. Certaines personnes racontent avoir eu peur d’être prises pour folles et hésitaient à partager leurs expériences.

Un témoignage édifiant du révérend Sean Manchester rapporte qu’il aurait été témoin de la présence d’un vampire, un ancien seigneur roumain ressuscité par un groupe de sorciers, qui auraient même acheté une maison à Londres pour lui. Un récit qui ressemble un peu trop au roman Dracula pour être crédible.

Le 6 mars de la même année, David Farrant poursuit ses investigations dans le cimetière et découvre plusieurs cadavres de renards vidés de leur sang. Pour lui, il n’y avait plus de doute : c’était l’œuvre d’un vampire.

Le 13 mars, une chasse aux vampires est organisée par le révérend Sean Manchester, suivie d’une conférence de presse. La police interdit l’accès au cimetière, mais cela n’empêche pas des chasseurs de vampires amateurs de s’y rendre sous la conduite du révérend. Le lendemain, la police constate de nombreuses dégradations dans le cimetière, mais aucun vampire n’est tué par le groupe d’intrépides chasseurs.

Plusieurs personnes ayant été témoins des apparitions semblent souffrir de troubles du sommeil et de crises de somnambulisme. L’une d’entre elles est même exorcisée par le révérend Sean Manchester, qui pensait qu’elle était en connexion avec le vampire de Highgate. Il suit ses indications pour tenter de localiser la tombe de la créature.

Quelques jours après cette chasse infructueuse, le révérend et ses acolytes retournent à Highgate en pleine journée pour trouver la tombe du vampire et le détruire. Guidé par les descriptions de la jeune femme exorcisée, Sean Manchester identifie le caveau familial correspondant et veut enfoncer un pieu dans le cœur des cadavres. Mais il est dissuadé par ses compagnons. À défaut, il saupoudre les tombes d’ail et d’eau bénite.

L’affaire se calme pendant quelque temps, mais reprend de l’élan en 1971. Une jeune femme prétend avoir été attaquée par un vampire à proximité du cimetière. Difficile de savoir s’il s’agissait vraiment d’un revenant, mais la jeune femme portait bien des griffures et des coupures lorsque qu’une automobile s’arrêta pour lui venir en aide. L’agresseur, quant à lui, semblait avoir disparu comme par magie.

Les apparitions reprennent de plus belle : agressions, hypnotismes ou disparitions fantomatiques font la une des journaux.

En 1974, une vieille demeure gothique à proximité de Highgate devient la cible du révérend Sean Manchester. Le lieu est réputé hanté. Il y découvre un caveau familial dans la cave, contenant un cercueil qui avait été emmuré quatre ans plus tôt. Il ouvre la tombe, plante un pieu dans le cœur du cadavre et brûle le corps, conformément aux anciens rites. Le révérend Sean Manchester affirme alors avoir tué le vampire, mais David Farrant prétend le contraire, affirmant que la créature rôde toujours dans les ombres de la nuit.

À la suite des événements de 1974, la police appréhende plusieurs personnes pour actes de vandalisme dans le cimetière de Highgate. Elle perquisitionne également la maison de David Farrant et y découvre de nombreuses photographies de rituels occultes ayant eu lieu dans le cimetière. David Farrant a été condamné à cinq ans de prison pour vandalisme et profanation de sépultures dans le cimetière de Highgate, des actes qu’il a toujours niés, attribuant ces dégradations à des satanistes.

Analyse de l’affaire : 

Cette histoire constitue un véritable anachronisme du folklore. Il n’est pas rare de trouver des légendes de vampires et autres lycanthropes au Moyen Âge, à la Renaissance et même au siècle des Lumières. Mais ici, nous sommes en plein XXᵉ siècle, un siècle sécularisé où toute notion sacrée a quasiment disparu. Pourtant, nous retrouvons au cœur même de la cité londonienne une histoire de vampire, de buveur de sang, qui terrorise les populations.

Sommes-nous simplement face à une forme de psychose collective ?

Quelques témoignages ou fabulations auraient pu engendrer cette croyance et, par conséquent, des personnes, dans un état de réceptivité, auraient été sujettes à des apparitions, des visions diverses et, finalement, à une peur panique psychotique. Ou bien s’agit-il réellement d’un phénomène parapsychologique, d’une hantise ayant eu lieu à proximité du cimetière de Highgate ? Je n’ai pas de réponse définitive à cette question, et je vous laisse libre d’interpréter cette histoire.

Ce qui est frappant, c’est que même dans notre époque moderne, il n’est pas rare de voir ressurgir d’anciens mythes, provoquant un retour des croyances et des superstitions. Sur le plan historique, il est fascinant de constater que les deux principaux acteurs de cette affaire, Sean Manchester et David Farrant, sont des figures particulièrement atypiques.

Sean Manchester, d’abord, était un homme d’église, un révérend. Il avait la foi, mais il ne ressemblait pas à un pasteur ordinaire : il a fondé son propre mouvement religieux, devenant une sorte de gourou ou de “pape”, si l’on peut dire. Son engagement allait jusqu’à affirmer qu’il avait détruit un vampire au sens littéral, un revenant physique buveur de sang terrorisant les populations. Charismatique et doté d’un grand talent d’orateur, il croyait sincèrement en sa mission.

À l’opposé, David Farrant, occultiste et adepte du spiritisme ainsi que des traditions ésotériques, avait une vision totalement différente. Selon lui, il ne s’agissait pas d’un vampire au sens physique, mais plutôt d’une manifestation spirituelle : une apparition ou une entité tourmentant les abords de Highgate. Avec son groupe, il a mené des rituels et cérémonies cabalistiques dans le cimetière pour tenter de chasser cette entité. Cependant, ces pratiques lui ont valu des accusations, notamment à cause de rituels considérés comme controversés, et il fut emprisonné. Après sa libération, Farrant a continué à s’intéresser au paranormal, publiant plusieurs ouvrages sur ses expériences et enquêtes. Il a également fondé la British Psychic and Occult Society, dédiée à l’étude des phénomènes paranormaux. David Farrant est décédé le 8 avril 2019. Son implication dans l’affaire du vampire de Highgate reste un sujet de discussion et de débat parmi les passionnés de paranormal et les chercheurs en folklore.

Il est difficile de démêler le vrai du faux dans cette affaire, mais il est certain que des rituels occultes ont été pratiqués lors de cette “chasse au vampire”. Aujourd’hui, le cimetière de Highgate n’est plus accessible sans guide, et les visites sont strictement encadrées.

Dracula, incarné par Christopher Lee

Enfin, notons que l’époque de ces événements correspondait à l’âge d’or des films de vampires, notamment ceux produits par Hammer Films, avec des acteurs tels que Christopher Lee et Peter Cushing. Certains décors de ces films ont été tournés à Highgate, ce qui a pu renforcer l’aura mystérieuse de ce lieu, déjà empreint de légendes.

Bibliographie :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Arcana

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture