La mythologie est un corpus de mythes et de légendes qui forme un ensemble cohérent sur la tradition associée à une civilisation. Elle comporte des récits sur la vie des dieux et des héros ainsi que sur la place de l’homme dans l’univers. Il est important de ne pas confondre religion et mythologie, et particulièrement dans la culture grecque, d’ailleurs chaque cité-État possédait ses propres codes religieux bien que tous les citoyens crussent en l’existence de Zeus, Hadès ou Athéna. Il existe des différences notables au gré des époques et des régions bien entendu, la mythologie grecque n’étant pas une nature morte et statique établie par un dogme. La pratique du culte et les diverses cérémonies n’appartiennent pas à la mythologie mais à la religion des Grecs, et cela varie considérablement suivant les cités. Les Athéniens priaient abondamment Athéna alors que la cité de Delphes s’en remettait principalement au dieu Apollon, et que les peuples de marins s’attachaient en toute logique à Poséidon.
La mythologie n’est pas un dogme strict mais un ensemble de récits, et la première difficulté vient des sources qui nous sont parvenues. Les auteurs grecs, et plus tard romains, offrent plusieurs versions des mêmes mythes avec des variantes entre les époques et les zones géographiques, ce qui ne facilite pas l’analyse. Pour plus de simplicité dans notre démarche de vulgarisation, nous travaillerons principalement sur les écrits du poète grec Hésiode pour la simple raison qu’il s’agit de la source la plus ancienne. Cependant nous l’illustrerons parfois avec certaines variantes des auteurs plus récents. Les Grecs étaient polythéistes et croyaient en de nombreuses divinités formant un ensemble cohérent, ce qui n’est pas le cas de tous les corpus mythologiques à travers le monde. La tradition grecque débute avec le récit cosmogonique de la création, viennent ensuite les nombreuses déités qui ordonnent le monde, lui donnant sa structure et ses lois. La mythologie grecque n’est pas apparue du jour au lendemain, mais suit un long processus de maturation et d’influences multiples. La tradition orale se transmet de poète en poète jusqu’à ce qu’elle prenne une forme écrite sous la plume d’Hésiode et d’Homère au viiie siècle av. J.-C.
La mythologie grecque prend une place centrale dans notre étude étant donné qu’elle ne prend pas naissance uniquement via les éléments internes, mais va bénéficier de plusieurs apports externes au cours de sa gestation. Les influences asiatiques sont notables à partir de la période orientaliste, soit aux viiie et viie siècles av. J.-C., le commerce phénicien et les relations entre les cités grecques avec le monde oriental ayant profondément marqué le corpus des mythes grecs. Il faut aussi signaler les influences égyptiennes et mésopotamiennes, car il n’était pas rare que les savants grecs partent étudier les sciences et les arts dans les glorieuses villes de Babylone et de Thèbes.
La mythologie grecque se cristallise également sur la fusion des peuples endogènes, les «Pélasges», et exogènes indo- européens «dorien, ionien, éolien et achéen» pendant le IIe millénaire av. J.-C. Les auteurs grecs nous livrent donc une synthèse ou un syncrétisme de traditions multiples, mais sous une forme cohérente et perfectionnée, qui n’a rien à envier aux mythes bibliques. C’est une tentative de réponse aux grandes questions sur l’origine de la vie et le fonctionnement de notre univers qui nous est racontée sous une forme allégorique.
Mythologie grecque : Les dieux primordiaux
Au commencement était le chaos ou la non-existence, ni la terre ni les océans pas même les étoiles n’existaient, c’était le vide absolu. De ce néant, ou béatitude primordiale, vont émerger les cinq premières divinités qui forment la base de l’univers antique. Nous retrouvons Gaïa, la Terre, qui représente la structure matérielle et visible de notre monde. Gaïa en tant que divinité est la représentation de notre planète. Elle est la déesse mère de laquelle sont issues toutes les composantes de la terre, aussi bien minérales que végé- tales ou animales.
L’autre grande divinité féminine primordiale est Nyx, la Nuit, c’est la mère de l’invisible, des choses cachées. Nyx représente l’envers du monde matériel, ou l’autre monde, c’est donc le paradoxe entre «exotérisme», ou monde visible, avec Gaïa, et «ésotérisme» avec Nyx l’autre déesse mère.
Nous passons ensuite aux divinités primordiales masculines, avec en premier lieu, Érèbe les Ténèbres, repré- sentation des forces obscures ou infernales. Attention, cela n’a pas spécifiquement de rapport avec la notion du mal qui était absente du système mythologique grec, mais cela ne veut pas dire que le mal n’existe pas, il n’entre juste pas dans le schéma judéo-chrétien tel que nous le connaissons aujourd’hui. Chez les Grecs nous parlons plutôt d’opposi- tion entre l’ordre et le chaos ou le néant. Tartare est l’autre divinité masculine qui émerge du chaos primordial, il représente le monde des morts ou plutôt toutes les facettes de la mort en opposition à Gaïa, la vie.
La dernière des divinités primordiales issues du chaos n’est ni masculine ni féminine, mais représente le principe créateur ou l’amour primordial. Il s’agit d’Éros, à ne pas confondre avec le dieu du même nom fils d’Aphrodite. L’Éros primordial est le dieu de l’amour non sexué contrai- rement au deuxième Éros qui représente le désir et l’union charnelle des hommes et des femmes.
Les cinq divinités primordiales sont le point d’origine de toute la création visible et invisible par leurs différents actes et unions. On peut dire que toutes les divinités, les humains ou encore la faune, la flore et même les pensées, habitent au sein de ces êtres primordiaux.
La deuxième phase de la création débute avec Gaïa qui va générer seule deux nouvelles divinités : Ouranos, le Ciel et Pontos, les Eaux. Ces deux êtres primordiaux vont s’unir à leur mère. Ouranos en premier lieu va recouvrir Gaïa de tout son être et engendrer la vie, mais sans jamais se séparer de sa mère: la vie reste donc prisonnière de la surface de Gaïa. Symboliquement, aucune vie ne pouvait sortir de la terre.
Pontos quant à lui va également s’unir à Gaïa, mais avec grande difficulté, car Ouranos le Ciel est en contact perma- nent avec Gaïa. Heureusement la surface de Gaïa n’est pas plane et les montagnes et cavités dessinent des courbes dans lesquelles Pontos les Eaux va s’infiltrer. Symboliquement, les Grecs de l’ancien temps, sans la connaissance de la gravité, nous expliquent pourquoi le niveau des eaux ne bouge pas et forme une surface plane égalisant le niveau de la terre ou le niveau de Gaïa. C’est ainsi que la déesse mère est unie à Ouranos, le Ciel, et que Pontos vit entre les deux, s’étendant sur Gaïa, formant les mers, les océans. Toutes les choses de la création visible seront issues des unions de ces trois êtres primordiaux, c’est la réalité palpable ou matérielle.
Nyx, l’autre grande divinité féminine, va également engendrer, mais d’une façon bien plus abstraite puisqu’il s’agit de l’autre monde invisible à nos yeux. La déesse Nyx représente la Nuit, mais pas au sens physique tel qu’on l’en- tend, plutôt au sens des «choses invisibles» notamment le monde des rêves, des pensées ou de l’âme.
Érèbe, divinité masculine, n’engendre pas seul, comme Gaïa, mais en union avec Nyx. Ils vont donner naissance ensemble à plusieurs divinités: Héméra le Jour, Éther l’Énergie divine ou le clair éclat, Éléos la Pitié, Épiphron la Prudence et Charon le passeur du monde des morts. Les divinités que Nyx engendre seule sont: Thanatos la Mort, Hypnos le Sommeil, les Moires ou les tisseuses du destin, Némésis la Vengeance, Éris la Discorde, Moïra la Destinée, Géras la Vieillesse, Philothès l’Amour sexuel, Momos le Sarcasme, Apaté la Tromperie, Délos la Ruse, Oizys la Misère, Lyssa la Colère, Adicie l’Injustice, et bien d’autres encore. Toutes les divinités primordiales issues de Nyx représentent les concepts inhérents à notre monde, auxquels nous sommes tous confrontés, des choses non palpables, mais bien réelles. Dans les versions plus récentes de la mythologie grecque, certaines de ces divinités possèdent une autre origine comme les Moires qui seraient issues de Zeus.
Tartare, quant à lui, n’engendre pas, plus précisément il n’engendre pas dans les temps primordiaux, mais bien plus tardivement avec Gaïa, nous en parlerons lors des événe- ments mythologiques suivants. Éros, l’Amour primordial, n’engendre jamais, mais a contrario il est considéré comme celui qui permet aux déesses Nyx et Gaïa de le faire, ce qui lui donne une importance considérable dans l’acte primitif.
Toutes ces déités représentent la première génération divine. Elles recouvrent ainsi tout le champ des possibles de notre monde visible et invisible, bien qu’immobile. Il nous faut maintenant nous concentrer sur la descendance de Gaïa et la deuxième génération divine qui représentent les forces primitives en mouvement ou actives.
Ouranos et Pontos, les fils de Gaïa, et leur descendance
Le couple emblématique Gaïa et Ouranos donnera nais- sance à plusieurs groupes de divinités. Les plus importantes sont les douze Titans: Océan, Coeos, Crios, Hypérion, Japet et Cronos pour les divinités masculines; et Rhéa, Mnémosyne, Phoebé, Théia, Thémis et Téthys pour les divinités féminines ou Titanides.
C’est ensuite les trois Hécatonchires: Briarée, Cottos et Gygès. Ces créatures gigantesques avaient une allure repoussante, chacune dotée de cent bras et cinquante têtes. Elles possèdent une puissance colossale et aucun adversaire ne peut les vaincre dans le domaine de la force.
Pour finir, les trois Cyclopes : Brontès, Stéropès et Argès. Ils sont d’une taille immense et ne possèdent qu’un seul œil doté du pouvoir de la foudre et du tonnerre pouvant détruire n’importe quel ennemi ou n’importe quelle matière. Attention, il existe bien d’autres cyclopes dans la mythologie grecque comme Polyphème, l’ennemi d’Ulysse dans l’Odyssée, mais seuls les trois cyclopes cités préalablement sont issus d’Ouranos et Gaïa. On les nomme Cyclopes ouraniens pour les différencier de ceux qui vien- dront ensuite.
Tous ces êtres divins sont piégés dans le ventre de Gaïa, car Ouranos le Ciel ne relâche jamais son étreinte, privant ainsi ses enfants de la liberté.
Gaïa et Pontos les Eaux, quant à eux, donneront naissance aux grandes divinités marines au nombre de cinq. Elles se nomment: Nérée le Vieillard, Thaumas le Merveilleux, Phorcys le Valeureux, Céto la Bête marine et Eurybie la Vaste Violence.
Cette deuxième génération divine va engendrer des myriades de dieux et déesses ainsi que toutes sortes de créa- tures, mais pour cela il faudra attendre leur libération du ventre de Gaïa.
Contrairement aux premières déités issues du chaos, les divinités de la deuxième génération possèdent des fonc- tions ou des représentations bien plus spécifiques. Elles sont toutes des représentations de forces primordiales observables comme le titan Océan qui représente la mer et ses mouvements, alors que Pontos représente les eaux d’une façon symbolique et statique. Téthys, quant à elle, représente les fleuves. En tout cas, ces forces ne peuvent s’exprimer tant qu’elles sont prisonnières de Gaïa.
La révolte de Cronos, l’acte créateur
L’acte créateur ou de libération de la vie commence avec la déesse mère Gaïa, mécontente du comportement d’Ouranos qui refuse de se détacher d’elle privant ainsi ses enfants de la liberté. La déesse mère va alors fabriquer en son sein une faucille de silex puis expliquer la situation à ses enfants et les exhorter à punir leur père afin de se libérer. Tous ont peur de la réaction d’Ouranos sauf le plus jeune, Cronos, qui accepte la mission de sa mère. Gaïa lui donne la faucille et Cronos va échafauder un plan contre son père avec l’aide de ses frères qu’il a réussi à convaincre de l’assis- ter. Lorsque Ouranos s’endort la nuit venue, Cronos, armé de la faucille, va émasculer son père pendant que ses quatre frères, Crios, Japet, Hypérion et Céos, le maintiennent aux quatre coins de l’univers : ils deviendront les quatre points cardinaux. Seul Océan restera neutre lors de cet affronte- ment. C’est alors dans un terrible cri qu’Ouranos le Ciel se détache de Gaïa pour rejoindre sa place bien éloignée de la terre, où il réside toujours aujourd’hui.
Les divinités de la seconde génération peuvent enfin sortir du ventre de leur mère, mais également la faune et la flore qui peuvent émerger et se répandre sur la terre donnant un monde grouillant de vie. Cronos devient ainsi le créateur ou le démiurge : celui par lequel la vie va éclore.
Les dieux et déesses commencent leur règne avec leurs progénitures et Cronos, à l’unanimité, sera le souverain de ce monde par la volonté des autres déités.
Attardons-nous maintenant sur les couples divins et les nouvelles divinités qui forment la plus grande partie du panthéon des Grecs. Océan s’unit à sa sœur Téthys donnant naissance à de nombreuses divinités que l’on nomme les trois milles Océanides et les trois mille fleuves.
Crios et Phoebé donnent naissance à deux divinités: Astéria l’Étoile « personnification de la nuit étoilée » et Léto la future mère d’Apollon et Artemis.
Hypérion et Théia donnent naissance à trois divinités: Séléné la Lune, Hélios le Soleil et Éos l’Aurore.
Japet s’unit à l’océanide Clymène qui lui donne quatre fils : Atlas, Prométhée, Épiméthée et Ménétios.
Crios s’unit à la divinité marine Eurybie, fille de Pontos, et ils donnent naissance à trois divinités : Astréos, Pallas et Persès.
Les autres divinités marines, Phorcys et Céto, donnent naissance aux Phorcydes, les monstres dont la plus connue sera Échidna.
Thaumas et l’océanide Électre vont engendrer les Harpies et la déesse Iris, la messagère d’Héra symbolisée par l’arc- en-ciel. Tout comme Hermès, le messager de Zeus, elle porte le caducée.
Nérée et l’océanide Doris donnent naissance aux cinquante Néréides.
Ces nombreuses divinités auront encore de nombreuses unions et descendances qu’il serait trop long d’énumérer ici, mais qui donnent à notre monde toutes ses composantes comme le Soleil, la Lune, les montagnes et les fleuves. Cronos règne sur ce monde d’une façon chaotique et commence par envoyer ses propres frères, les Hécatonchires et les Cyclopes, dans le Tartare, car leurs apparences le répugnent, mais aussi par méfiance envers leurs grands pouvoirs. Cette décision de Cronos ne sera pas sans conséquence.
Avant d’aborder la descendance de Cronos, il nous faut revenir sur la castration d’Ouranos : lorsque, dans un grand fracas, le ciel s’éloigne de la terre, le sang d’Ouranos tombe sur Gaïa ce qui engendre de nouvelles créatures : les Géants et les Méliades, ou nymphes des frênes. Lorsque les parties génitales d’Ouranos tombent dans l’océan, près de l’île de Chypre, elles donnent naissance à Aphrodite, déesse de la beauté et de l’amour, que l’on peut symboliser par l’amour perdu entre Gaïa et Ouranos qui ne se retrouveront plus jamais.
Bien plus grave, lors de la séparation, c’est l’autre mère de la création, Nyx, qui va engendrer trois divinités avec le dieu du ciel. Il s’agit des Érinyes qui deviendront les Furies chez les Romains. Mégère, Tisiphone et Alecto sont la matérialisation de la vengeance d’Ouranos sur la création. L’ombre des Érinyes plane sur Cronos, responsable de la séparation de Gaïa et Ouranos, ce qui motivera ses actions futures envers sa descendance.
Le maître des Titans s’unit à sa sœur Rhéa avec laquelle il aura six enfants : Hestia, Déméter, Héra, Hadès, Poséidon et Zeus. Cronos redoute sa progéniture et craint de subir le même sort que son père Ouranos, lequel l’a maudit, annonçant sa chute, détrôné par l’un de ses fils, et lançant le concept de parricide parmi les dieux grecs. Cronos décide alors d’avaler ses enfants pour éviter les ennuis, au grand désespoir de sa parèdre5 Rhéa. Cette dernière cherche une solution et finit par trouver un stratagème lors de la naissance de Zeus. Elle remplace l’enfant par une grosse pierre et l’emmaillote comme un nouveau-né ; Cronos, ne voyant pas la différence, l’engloutit comme les autres sans se poser de questions. Rhéa dissimule le jeune Zeus sur l’île de Crète afin qu’il grandisse en sécurité loin de son père et le place sous la protection des Nymphes et la bienveillance de Gaïa.
La Titanomachie, l’ordre face au chaos
Bien des années plus tard, Zeus, devenu adulte, prépare sa vengeance contre son père, mais il sait fort bien qu’il ne dispose pas de la puissance suffisante pour l’affronter seul. Tout d’abord, il doit libérer ses frères et sœurs, que Cronos a engloutis. Zeus élabore un stratagème et séduit Métis, une Océanide qui sera sa première épouse, afin qu’elle prépare une décoction vomitive pour Cronos. Ce dernier, croyant qu’il s’agit de vin, tombe dans le piège et régurgite ses enfants les uns après les autres.
Cet acte marque le début de la Titanomachie, une guerre qui va opposer Zeus ainsi que ses frères et sœurs à Cronos et aux Titans. Parmi la fratrie de Cronos, certains rejoignent le camp de Zeus; notamment Océan, Téthys et certaines de leurs filles comme Niké, la déesse de la victoire et Styx, la rivière qui entoure les enfers. Thémis, ayant eu la pres- cience des événements, rejoint les partisans de Zeus ainsi que Prométhée, le fils de Japet.
Dans un premier temps Zeus se rendra au Tartare grâce à la déesse Styx afin de libérer et de rallier à sa cause les frères exiler de Cronos: les trois Cyclopes et les Hécatonchires. Zeus sait que la puissance de son père est immense et qu’il lui faudra de l’aide et des armes afin de prétendre à la victoire. Les partisans de Zeus se rassemblent sur le mont Olympe, d’où leur nom d’Olympiens, et ceux de Cronos sur le mont Othrys.
Pour remercier Zeus de les avoir délivrés, les trois Cyclopes, de grands forgerons, confectionnent trois arté- facts d’une grande puissance. Le foudre de Zeus, le trident de Poséidon et la kunée (un casque d’invisibilité) pour Hadès. La guerre se déchaîne pendant dix années célestes entre les deux camps, embrasant le monde. Finalement le combat entre Zeus et Cronos eut lieu: lors de l’affrontement, les Hécatonchires se saisissent de Cronos et l’immobilisent pendant que Zeus le frappe avec le foudre, l’arme offerte par les Cyclopes. Le vieux roi est vaincu et le règne de Zeus débute, mettant fin au chaos des Titans.
Les vaincus sont précipités dans le Tartare et une porte d’airain est construite sous la garde des Hécatonchires pour éviter leur évasion. Les enfants de Cronos commencent leur règne en se répartissant les tâches. Zeus acquiert la souverai- neté du ciel, Poséidon celle des mers et Hadès la domination du monde souterrain ou des morts.
La terre reste sous l’influence mutuelle des trois frères même si Zeus sera considéré comme le souverain.
Zeus installe son trône sur le mont Olympe afin d’organi- ser le monde. En premier lieu, il condamne le titan Atlas à maintenir éternellement la voûte céleste. Atlas avait pris le parti de Cronos lors de la guerre, malgré les avertissements de Prométhée, ce que Zeus ne lui pardonnera pas. Zeus va ensuite purifier l’espace céleste, ou la résidence des dieux, en rejetant les puissances négatives. Comme nous l’avons vu préalablement, certains lieux sont matérialisés par une déité primordiale, et les cieux n’échappent pas à cette règle et sont représentés par le dieu Éther, fils de Nyx. L’espace céleste est un lieu d’énergie pure ou de l’air divin, où prend naissance la nourriture des dieux: le nectar et l’ambroisie qui assurent l’immortalité aux dieux.
Pour purifier les cieux, Zeus va rejeter de cet espace la progéniture d’Érèbe (les Ténèbres). Le maître de l’Olympe va emprisonner dans une boîte les enfants d’Érèbe, notam- ment la Mort, la Colère, la Souffrance, la Maladie, afin de préserver les cieux de leurs effets. Plus tard cette même boîte finira son voyage sur terre dans les mains de Pandore qui répandra les enfants d’Érèbe sur la terre des hommes.
Les hommes n’ont pas accès aux cieux, aux bienfaits de l’Éther, notamment au nectar et à l’ambroisie, en revanche ils seront condamnés à vivre avec les enfants d’Érèbe.
Lors de la guerre, plusieurs Titans et Titanides ne parti- cipent pas aux affrontements et ne seront pas condamnés au Tartare comme les autres. Ils prennent alors des postes d’importance sous l’autorité du nouveau maître. Les Olympiens, et particulièrement Zeus, peuvent maintenant faire émerger l’ordre sur les ruines du règne de Cronos. Le roi de l’Olympe devient le nouveau démiurge, architecte du monde et de ses lois, mais Ouranos et Gaïa, les dieux primordiaux, font une prédiction funeste à leur petit-fils: Zeus, à l’instar de son père et de son grand-père, sera lui- même détrôné par un fils. Or, la première épouse du roi des dieux, Métis, attend leur premier enfant.
Zeus va alors utiliser une ruse afin d’avaler Métis et conju- rer le destin. Le roi du ciel réalise alors un coup de maître : il évite l’avènement d’un fils pouvant concurrencer son règne et s’approprie les pouvoirs de Métis, déesse de la sagesse et de la ruse. Il aura dès lors toujours un temps d’avance sur ses ennemis.
Découvrons maintenant la progéniture du maître de l’Olympe, Zeus. Après avoir été marié à Métis qu’il a avalée, il prendra la titanide Thémis, gardienne de la justice divine, sa tante, comme épouse avec laquelle il aura plusieurs enfants: Les Heures, gardiennes du cycle des saisons, et la déesse Astrée. Zeus aura comme troisième et dernière épouse sa sœur Héra, avec laquelle il aura Arès, le dieu de la guerre et de la violence, Hébé, la déesse de la jeunesse et la vitalité, Ilithyie la déesse de l’enfantement et Héphaïstos, le dieu forgeron.
Mais Zeus n’est pas un mari fidèle et ses aventures hors mariage sont plus que nombreuses. Voilà quelques exemples de sa descendance divine: de sa cousine Léto naîtront les jumeaux Apollon, dieu des arts et du soleil, et Artémis, déesse de la chasse et de la nature sauvage. Avec l’océanide Eurynomé il enfantera les Charités, appelées Grâces chez les Romains, trois déesses bienfaisantes qui emplissent les cœurs des hommes de bonheur et de joie de vivre. Avec sa sœur Déméter, la déesse Coré qui deviendra, sous le nom de Perséphone, la reine des enfers. Avec sa tante Mnémosyne, les neuf Muses des arts, déesses des artistes par excellence qui inspirent les poètes; Hésiode6 commence d’ailleurs sa Théogonie7 par un hymne aux Muses. Avec Maïa, fille du titan Atlas, Zeus aura Hermès, le messager des dieux. Sémélé, une mortelle, lui donnera Dionysos, le dieu de la vigne, des excès et de la folie.
Zeus fut un jour pris d’une terrible douleur à la tête. Il demanda à Héphaïstos de lui assener un coup de hache afin de libérer ce qui semblait vouloir sortir de son crâne. Dès la tête de Zeus fendue, sortit une divinité vêtue de son armure, poussant un cri de guerre. L’enfant que Métis portait lorsque le roi de l’Olympe l’avala venait de naître de manière prodigieuse, révélant Athéna, la déesse de la sagesse et de la guerre. Athéna la déesse de la sagesse et de la guerre venait de naître. Elle sera la grande protectrice des héros dans les cycles mythologiques et l’une des déités les plus adulées dans la culture grecque.
La Gigantomachie, la vengeance de Gaïa
Pendant que Zeus établissait l’ordre du monde, Gaïa, la mère primordiale, ruminait sa colère pour le sort des Titans précipités dans le Tartare. Elle demande à Zeus de les libé- rer et devant son refus décide de lui déclarer la guerre.
Gaïa en appelle aux Géants, ses enfants nés du sang d’Ouranos, ces créatures innombrables qui possèdent une force redoutable et ne craignent pas la mort. Les Géants entrent en guerre contre les Olympiens et ces derniers sont rapidement dépassés. Les dieux de l’Olympe sont plus puis- sants, individuellement, que les géants mais se retrouvent épuisés face aux légions adverses. Si la guerre s’éternise, les dieux seront vaincus.
Heureusement, Zeus, grâce à sa prescience, avait anti- cipé les événements en engendrant des fils avec des femmes mortelles, et nombre d’Olympiens suivront son exemple. Zeus avait préparé une véritable armée d’êtres exception- nels, les demi-dieux, pour faire face à la menace des Géants. Il faut bien comprendre que la terre, ou le monde des hommes, existait déjà avant même l’organisation du monde par Zeus. Les humains n’avaient pas la puissance pour venir en aide aux dieux, il était donc nécessaire de donner vie à des héros à mi-chemin entre les hommes et les dieux. La plupart des héros des mythes grecs seront des demi-dieux ou les descendants de ces derniers.
Les demi-dieux alliés aux Olympiens viendront à bout des hordes de Géants, mettant fin à la Gigantomachie.
Mais la terrible Gaïa n’a pas dit son dernier mot. Si aucun être dans la création ne pouvait affronter Zeus, il faudrait en créer un. C’est ainsi que la déesse mère s’unit directement avec son frère le Tartare, donnant naissance à Typhon, une créature malfaisante, la plus terrible depuis l’émanation du chaos. La vengeance de Gaïa pouvait commencer, Typhon était gigantesque comme un ouragan destructeur, crachant du feu en permanence. Les Olympiens, pris de terreur, s’en- fuient dans des terres reculées alors que le monstre approche de l’Olympe menaçant de détruire toute la création, aussi bien le monde céleste que le monde des hommes. Seul Zeus, accompagné de sa fille Athéna, restent pour affron- ter Typhon. Zeus est armé du foudre et de la faucille de son père, mais malgré ces artéfacts magiques et sa ruse, la puissance primitive de la créature le domine. Zeus est rapi- dement vaincu, Typhon s’empare de la faucille et sectionne les tendons du roi des dieux et le jette agonisant dans une caverne sous la surveillance du dragon femelle Delphyné.
Pendant que Typhon répand alors le chaos sur terre, le dieu Hermès en profite pour lui dérober les tendons de Zeus. Hermès se rend ensuite avec le dieu Pan dans la grotte où le maître de l’Olympe est retenu captif. Pan endort le dragon et Hermès peut replacer les tendons de Zeus et lui faire boire de l’ambroisie pour qu’il se rétablisse.
Rétabli, Zeus peut désormais penser sa revanche, il aura besoin de ruse, conscient qu’il n’a aucune chance dans un combat frontal. Il réussit à convaincre les Moires, filles de Nyx, de l’assister dans sa tâche. Les tisseuses du destin proposent à Typhon, qui accepte, de lui offrir de l’ambroi- sie afin qu’il devienne immortel. Mais les Moires le dupent et, plutôt que l’ambroisie, lui donnent des fruits éphémères qui affaiblissent considérablement Typhon. Zeus saisit sa chance et attaque le démon qui prend la fuite. Le roi de l’Olympe finit par le rattraper au-dessus de la Sicile et le foudroie. Typhon s’écroule au sol et Zeus l’ensevelit sous une montagne d’où il souffle encore sa haine et sa colère: l’Etna. Le monstre est vaincu, mais avant sa défaite, Typhon s’était uni à Échidna, une Phorcyde, de laquelle naîtra une nombreuse et terrible progéniture.
Zeus, magnanime, et pour éviter d’autres tumultes, consent à libérer les Titans du Tartare. Il les envoie en exil sur les îles des Bienheureux, une contrée en Occident, loin des problèmes du monde, et parfois assimilée aux champs Élysées8 du royaume des morts. Gaïa, satisfaite, ne pour- suivit pas son entreprise de vengeance. Le calme et l’ordre pouvaient désormais régner sous la volonté du maître de l’Olympe.
Mythologie grecque : Les hommes et les dieux
Au commencement de la vie, lorsque Cronos sépare le ciel et la terre, les hommes, comme tous les êtres vivants, se répandent sur la surface du monde. On nomme cette époque l’âge d’or ou le premier âge de l’humanité. Les mythes, dans la version d’Hésiode, ne nous renseignent que peu sur l’origine de la race humaine de l’âge d’or, mais on peut supposer qu’ils sont enfants de Gaïa et d’Ouranos, comme toute la faune et la flore. Les hommes sont donc les frères des Titans dans ce modèle cosmogonique. Dans des versions plus récentes, les hommes auraient été créés par Prométhée avec de l’argile et l’assistance de la déesse Athéna qui leur insuffla le souffle vital.
Pendant l’âge d’or, il n’existait que des hommes, ou plutôt ils étaient asexués, éternellement jeunes, et lors de la mort ils s’endormaient sans douleur. C’était le temps de l’abondance et du bonheur sous le règne de Cronos. La fin de l’âge d’or des hommes survient lorsque le chef des Titans est précipité dans le Tartare par Zeus qui va réorganiser le monde suivant sa volonté. On peut voir dans cette vision idyllique du paradis perdu une métaphore de l’époque préhistorique où les chasseurs-cueilleurs ne vivaient que de l’abondance de la terre.
« Les Hommes à cette époque ne travaillaient pas et vivaient en accord parfait avec la faune et la flore, les sacrifices étaient donc inexistants. Les Hommes n’étaient pas à proprement parler «humains»; ainsi, ils ne se reproduisaient pas, mais étaient «semés». Les saisons étaient inexistantes, ils vivaient dans un printemps éternel. La nature était d’ail- leurs bienfaitrice (mère nourricière) et leur fournissait tout sans aucun effort. Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères : la vieillesse misérable sur eux ne pesait pas ; mains, bras et jarret toujours jeunes, ils s’égayaient dans les festins, loin de tous les maux. Mourants, ils semblaient succomber au sommeil«
– Les Travaux et les Jours, Hésiode
L’âge d’argent, ou le deuxième âge de l’humanité, advint à la suite de l’ordre établi par le roi du ciel. Prométhée, l’éternel protecteur de la race humaine, vole le feu du ciel pour le donner aux hommes. Zeus punit le titan Prométhée pour son acte de rébellion par un supplice éternel : enchaîné à un rocher, son foie se fait dévorer par un aigle, et par un processus magique, la sentence se reproduit chaque jour. Nous détaillerons cette histoire dans les chapitres suivants.
Zeus décide de maudire également les hommes : il donne l’ordre de fabriquer la première femme, Pandore, qui sera offerte au titan Épiméthée, le frère de Prométhée. C’est par Pandore que Zeus envoie sur terre la boîte qui renferme toutes les plaies de la création, les enfants de Nyx et Érèbe, notamment la mort, la maladie, la souffrance.
Les hommes doivent désormais se reproduire et rendre hommage aux dieux, travailler pour subvenir à leurs besoins en cultivant la terre. Mais les hommes ne s’acquittent pas des sacrifices aux dieux et Zeus, courroucé, les punit en ensevelissant les récoltes mettant ainsi fin au deuxième âge. L’âge d’argent correspond chronologiquement à la sédentarisation et l’établissement des premières villes au néolithique, du temps de l’agriculture pastorale.
« Ils ne savaient pas s’abstenir entre eux d’une folle démesure. Ils refusaient d’offrir un culte aux Immortels ou de sacrifier aux saints autels des Bienheureux, selon la loi des hommes qui se sont donné des demeures. Alors Zeus, fils de Cronos, les ensevelit, courroucé, parce qu’ils ne rendaient pas hommage aux dieux bienheureux qui possèdent l’Olympe«
– Les Travaux et les Jours, Hésiode –
Vint alors le troisième âge de l’humanité. Les hommes creusent profondément la terre afin de survivre, ils labourent les champs pour faire renaître les cultures qui autrefois poussaient sans effort. Ils découvrent l’usage des métaux enfouis sous la terre et fabriquent des armes de cuivre et de bronze pour se combattre entre eux.
Zeus ne supporte pas la situation et décide de les éliminer une fois pour toutes. Le roi du ciel demande à son frère Poséidon de déclencher le déluge qui allait engloutir toute l’humanité et purifier le monde. L’âge d’airain, ou le troisième âge, correspond à la découverte de la métallurgie. Nous quittons l’âge de la pierre polie pour celui du cuivre et du bronze, ce que les Grecs nous présentent sous couvert d’allégories mythologiques.
Grèce antique, Mésopotamie, Egypte, civilisation mioenne… Ludovic Richer nous fait plonger au coeur des civilisations oubliées avec la verve et la précision que ses 100 000 abonnés à la chaîne YoutTube « Arcana : les mystères du monde » apprécient et partagent largement.
Fort de ses 7 000 000 de vues, Ludovic Richer a décidé de porter ses célèbres enquêtes vidéos dans un livre passionnant. Comprendre ce passé, c’est comprendre notré présent et pourquoi pas envisager notre futur. Partez en quête des origines de notre monde actuel.
– Quatrième de couverture éditeur
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