La légende du Golem

La légende du Golem appartient à la tradition hébraïque. Il s’agit d’une créature anthropomorphe façonnée à partir d’argile et soumise à la volonté de son créateur. Cette histoire trouve une analogie avec la création d’Adam par Dieu dans le livre de la Genèse, où l’homme est modelé à partir de la terre.

Le Golem : Une légende juive 

Golem de Prague

La créature est créée grâce à un rituel magique d’inspiration kabbalistique, notamment via l’écriture sacrée. Pour activer le Golem, il fallait graver sur son front le mot « Emet » (vérité). Pour mettre fin à la magie, il suffisait de retirer la première lettre, formant ainsi le mot « Met » (mort). Certaines légendes évoquent également un rituel impliquant quatre prêtres incantant les quatre éléments (eau, terre, air, feu) afin de donner vie à la créature.

Le Golem est une créature sans âme, qui obéit aveuglément à son créateur. C’est une sorte d’esclave magique que le magicien peut utiliser à diverses fins, notamment pour sa protection. Dépourvu de parole et incapable de discerner le bien du mal, le Golem est un être imparfait, entièrement soumis à la volonté de celui qui lui a donné vie.

La légende du Golem refait souvent surface dans l’histoire lorsque les communautés juives subissent des persécutions, leur offrant un réconfort symbolique ou un échappatoire à leur condition. C’est principalement dans le folklore de l’Europe de l’Est, au sein de la culture yiddish, que la légende du Golem se répand, avec un succès grandissant à partir de la Renaissance.

Le mythe a inspiré de nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques, comme Le Golem de Gustav Meyrink, mais aussi le célèbre Frankenstein de Mary Shelley. Dans ce dernier, le monstre s’inspire clairement de l’histoire du Golem, la magie étant remplacée par la science. Le sous-titre Prométhée moderne de l’œuvre de Shelley est d’ailleurs tout à fait adapté au mythe du Golem.

Mythologie du Golem : 

Les sources religieuses attestent l’existence du mythe du Golem dans des textes antérieurs au christianisme, notamment dans le livre des Psaumes, puis plus récemment dans la Mishna. Ces sources restent très fragmentaires, le Golem y étant présenté comme un homme primitif ou une créature vierge, dépourvue d’âme.

Dans la Bible, le mot golem est traduit par « matière informe ». Plus tard, la mystique hébraïque du IIIᵉ siècle de notre ère associe au mot le sens de « sot », en opposition au « sage » (hakam).

Le Talmud décrit la création d’Adam comme celle d’un Golem avant que Dieu ne lui insuffle une âme, lui conférant ainsi la capacité de réflexion et de libre arbitre. Cette comparaison repose sur leur origine commune issue de la terre. Adam, créé par Dieu à partir d’argile rouge, est décrit comme un Golem sans âme dans les premières heures de sa vie, avant que ne lui soit insufflé l’esprit de vie (Rouah).

Le Golem n’est pas une créature positive dans les descriptions talmudiques ; il est plutôt perçu comme une offense à Dieu. La création d’un Golem par un magicien est considérée comme un acte de défiance et d’orgueil envers le Créateur, une tentative d’imiter la naissance d’Adam.

L’usage de la magie ou de toute forme de science occulte est strictement interdit par la loi juive. L’homme qui tente de créer la vie par lui-même via des actes magiques se place dans un rôle de démiurge, transgressant ainsi les préceptes de Moïse. Cependant, malgré ces interdits, l’ésotérisme au sein du judaïsme prend forme avec le Sefer Yetsira (ou Livre de la Création), un texte fondateur de la kabbale et de l’ésotérisme juif. Ce texte, qui traite notamment de la question du Golem, connaît un grand succès. Plusieurs occultistes du Moyen Âge s’appuient sur les enseignements du Sefer Yetsira et sur les lettres sacrées de l’alphabet hébraïque pour tenter de concevoir des Golems.

On trouve également des équivalents du mythe du Golem dans d’autres traditions :

Dans la tradition chrétienne, influencée par la kabbale, des tentatives de créer des homoncules ou des êtres artificiels animés par la magie émergent. Les arts occultes occidentaux recommandent souvent l’usage de la mandragore, une plante associée aux sorcières, pour insuffler la vie à ces créatures.

Dans l’islam, certains alchimistes, notamment issus du courant mystique des Ismaéliens, se sont également engagés dans des pratiques magiques pour donner vie à des créatures similaires au Golem.

Le mythe repose toujours sur le même rêve : celui de créer la vie par des procédés magiques. Les hommes, dans leur quête d’émancipation des lois divines, tentent de rivaliser avec Dieu en utilisant les arts occultes, à la recherche d’un pouvoir créateur interdit.

La légende du Golem de Prague : 

La plus célèbre des légendes concernant le Golem nous ramène au XVIᵉ siècle, environ vingt ans après l’expulsion des Juifs d’Espagne. Cette histoire met en scène Rabbi Yehuda Loew ben Bezalel, résident du ghetto juif de Prague, à une époque où la communauté était victime de nombreuses persécutions. Rabbi Loew aurait décidé de créer un Golem grâce à la science kabbalistique afin de protéger ses concitoyens des exactions auxquelles ils faisaient face.

Une nuit, le Rabbi, accompagné de ses deux assistants, se rendit sur les rives de la rivière Vltava pour modeler un corps d’argile, symbolisant l’élément terre. Une fois la statue terminée, les assistants invoquèrent les pouvoirs de l’eau et du feu, tandis que le Rabbi appela celui de l’air. Les quatre éléments réunis, Yehuda inscrivit l’un des noms de Dieu (Emet, signifiant « vérité ») sur le front de la créature ou, selon une autre version, sur un parchemin qu’il plaça dans sa bouche.

La créature s’anima immédiatement, totalement soumise à la volonté de son créateur. Rabbi Loew lui ordonna de veiller sur la communauté, de la protéger en cas d’agression et de les assister dans leurs tâches quotidiennes. Le Golem travaillait six jours par semaine, mais il lui était interdit d’agir le jour du Sabbat. Pour cela, le Rabbi effaçait la première lettre de l’inscription magique, désactivant ainsi la créature.

Cependant, un jour, Rabbi Loew oublia d’effacer l’inscription. Le Golem continua ses activités le jour du Sabbat, provoquant la terreur dans le quartier. Cette agitation attira l’attention des autorités, et Rabbi Loew fut convoqué par l’empereur. Celui-ci offrit sa protection à la communauté juive en échange de la destruction du Golem. Mais la créature était indestructible. Rabbi Loew, seul capable de l’activer ou de la désactiver, décida alors de la dissimuler pour donner l’illusion de sa destruction.

Une nuit sans lune, le Rabbi conduisit le Golem dans la crypte de la synagogue et effaça la première lettre de l’incantation magique. Le Golem fut désactivé et ne reparut jamais dans les rues de Prague. Cela satisfit l’empereur, qui tint sa promesse en protégeant la communauté juive de la ville. Au fil du temps, la créature fut oubliée, mais la légende raconte qu’elle repose toujours dans une crypte de Prague, attendant qu’un autre kabbaliste vienne un jour l’éveiller.

Analyse de la légende : 

Monstre de Frankenstein

La légende du golem ne se limite pas à un simple récit mystique, elle soulève des interrogations sur les rapports entre l’homme, la nature et le divin. La question centrale réside dans le pouvoir de création : jusqu’où un être humain peut-il aller sans dépasser les limites imposées par la condition humaine ? Cette réflexion est d’autant plus pertinente à une époque où la science et la technologie nous offrent des moyens d’agir sur le vivant et de modifier la réalité. 

Dans la tradition juive, le golem est aussi un symbole de sagesse et de prudence. Il rappelle que toute création, même animée d’intentions nobles, peut se retourner contre son créateur. Dans certains récits, le golem devient incontrôlable, provoquant des destructions inattendues, ce qui pousse son créateur à le détruire. Cela illustre les dangers de l’orgueil et de la volonté de rivaliser avec les forces divines.

L’histoire du golem s’inscrit également dans une perspective historique. Pour les communautés juives de l’Europe médiévale et de la Renaissance, confrontées à des vagues de persécution, cette figure protectrice incarnait l’espoir et la résilience. Elle offrait un récit dans lequel les opprimés pouvaient reprendre le contrôle face à l’adversité. C’est en partie pour cette raison que l’histoire du golem a survécu et s’est enrichie au fil des siècles.

Avec le temps, le golem a transcendé sa dimension religieuse pour inspirer des créateurs de tous horizons. Dans la littérature, des écrivains comme Gustav Meyrink, avec son roman Le Golem (1915), ont revisité ce mythe, mêlant mysticisme, fantastique et questionnements existentiels. Au cinéma, le film allemand expressionniste Le Golem : Comment il vint au monde (1920) est une œuvre marquante qui a influencé de nombreuses représentations ultérieures.

Plus récemment, le concept du golem a été réinterprété dans des contextes modernes, souvent en lien avec des problématiques technologiques. On compare parfois le golem aux intelligences artificielles ou aux robots, créatures façonnées par l’homme, mais capables de se développer de manière autonome et imprévisible. Ce parallèle souligne l’actualité et la profondeur du mythe, qui continue de résonner avec les angoisses et les espoirs de notre époque.

Bibliographie :

  • La bible et le Talmund
  • Sefer Yetsirah
  • Florian Balduc, De Faust au Golem : Histoire et mensonges derrière la légende
  • Le Golem De Prague, les récits juifs du ghetto
  • Le livre des superstitions, Eloise Mozzani
  • Dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes
  • La magie et la sorcellerie Védrine et Jean Jordy
  • Gustav Meyrink, Le Golem
  • Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne
Le Golem de Gustav Meyrink

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