Excalibur de John Boorman (1981)

La légende arthurienne a fait l’objet de nombreuses adaptations. Mais il en est une qui retient plus souvent l’attention. Il s’agit d’Excalibur, réalisé par John Boorman en 1981. Désirant à la base adapter le Seigneur des Anneaux, Boorman se tourne finalement vers le mythe arthurien, en se basant sur le livre « Le Morte d’Arthur », écrit au XVe siècle par Sir Thomas Malory. Ce roman est une des première approches chronologiques du mythe, de la naissance à la mort d’Arthur, et se prête donc bien à une adaptation cinématographique. Les premières versions du scénario, écrit par John Boorman et Rospo Pallenberg, auraient donné un film de près de 4h. Devant la réticence de la production et le budget modeste, Boorman est contraint d’avoir recours à de nombreuses ellipses et à fusionner certains personnages (Perceval et Galahad, le Roi pêcheur et Arthur,…) pour raccourcir le récit.

Le film se divise en trois parties. Dans le prologue, le royaume est divisé, en proie aux guerres. C’est l’âge des ténèbres. Merlin, qui apparaît sortant du brouillard, y est tout puissant et fait souvent appel aux forces de la nature. L’espoir d’unification du royaume est symbolisé par Excalibur, que Merlin donne à Uther pour conquérir le trône. Hélas, Uther est un roi capricieux et ses passions causeront sa perte.

La deuxième partie commence lorsqu’Arthur, élevé jusque là dans l’ignorance de ses origines, devient le nouveau roi. Sa nature humble et modeste impose le respect et lui permet d’unifier à nouveau le royaume. C’est l’âge d’or qui atteint son apogée avec la construction de Camelot et la constitution de l’ordre des Chevaliers de la Table Ronde. Durant le mariage d’Arthur et Guenièvre, les armures sont étincelantes, symbolisant par là le roi rayonnant, et par extension son royaume. Merlin est plus en retrait car il n’appartient plus à ce monde. C’est la fin de la culture païenne, de l’ère de la magie et de la nature, au profit de celle des hommes et du culte du Dieu unique. Merlin succombera d’ailleurs dans cette deuxième partie, piégé par Morgane.

Les amours interdits de Lancelot et Guenièvre annoncent le déclin de cet âge d’or. Un déclin qui était prédestiné, comme nous le fait comprendre la réalisation. Par l’image d’abord, avec le regard intense échangé par Lancelot et Guenièvre, qui suffit à nouer leur passion, mais aussi par le son, avec l’utilisation du Prélude à Tristan et Iseult de Wagner, lorsque les deux amants s’unissent. La vengeance de Morgane viendra achever définitivement cette ère de lumière, avec la naissance de Mordred, fruit d’une union illégitime entre elle et Arthur.

La troisième partie commence ainsi avec un roi brisé, en proie au doute. En abandonnant Excalibur, Arthur a rompu le lien avec la terre (symbolisée par le dragon) et son royaume dépérit avec lui. C’est dans cette période de doute que commence la quête du graal, qui est ici dénuée de toute dimension mystique. La sauvagerie de la première partie et l’extase de l’âge d’or a laissé la place à l’onirisme. Merlin, qui a succombé dans la deuxième partie, ne trouve d’ailleurs plus de pouvoir que dans les rêves. Arthur et ses chevaliers ont également dépassé le statut d’homme. Eux non plus n’ont plus leurs places dans ce monde. Après avoir vaincu Mordred, Arthur mortellement blessé rejoindra la terre des légendes, tandis qu’Excalibur retournera à la Dame du Lac, en attendant qu’un roi digne la brandisse à nouveau.

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