La légende de la Comtesse Sanglante est une histoire fascinante qui, bien que moins connue que celle de Dracula, a également marqué l’imaginaire collectif et inspiré de nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques. Cette vidéo explore la légende de la Comtesse Elizabeth Bathory, célèbre pour ses supposés bains de sang, et tente de démêler les faits historiques de la fiction.
La Comtesse Sanglante
Si tout le monde connaît le célèbre Dracula, inspiré en partie de la vie de Vlad Tepes, prince de Valachie, la légende de la Comtesse Sanglante n’est pas moins fascinante. Elle a d’ailleurs servi de modèle pour de nombreuses histoires de vampires adaptées au cinéma et en littérature, notamment dans le célèbre roman La Comtesse Sanglante de Valentine Penrose. Il est parfois difficile de dissocier la réalité de la fiction dans ce type d’affaire, l’imaginaire ayant depuis longtemps pris le pas sur la réalité des événements. Dans un premier temps, nous allons présenter la légende vampirique de la Comtesse Sanglante avant de passer à la partie plus historique.

L’histoire de la Comtesse Elizabeth Bathory commence au XVIe siècle. Elle était une comtesse hongroise vivant dans l’actuelle Slovaquie. Elizabeth appartenait à la plus haute noblesse hongroise et possédait plusieurs châteaux ainsi qu’une fortune colossale après la mort de son mari. Femme de pouvoir, elle aurait versé dans les arcanes de la sorcellerie et se serait livrée à des pratiques sanglantes dans l’optique d’obtenir la jeunesse éternelle. Le récit légendaire possède de nombreuses versions sur l’origine vampirique de la comtesse. L’une des légendes raconte qu’un incident avec une femme de chambre aurait révélé à Elizabeth son attrait pour le sang des vierges. La comtesse avait pour habitude de maltraiter ses servantes et, lors de l’une de ses réprimandes, elle aurait frappé la jeune servante, faisant éclabousser quelques gouttes de sang sur sa joue. Le lendemain, Elizabeth observa que la peau de son visage semblait plus ferme et rajeunie là où le sang avait coulé. C’est ainsi que sa quête vampirique aurait débuté.
Une autre version raconte qu’une sorcière vivant dans les environs du château aurait prodigué des conseils à la comtesse pour trouver le secret de l’immortalité via la magie du sang. Dans tous les cas, la sorcière aurait été installée au château et le massacre aurait commencé. Voyant l’effet bénéfique du sang, Elizabeth ordonna à ses serviteurs de kidnapper de jeunes femmes et de les vider de leur sang pour remplir une baignoire où elle pourrait s’immerger afin de retrouver sa vitalité.
Dans un premier temps, ce sont les servantes du château qui firent les frais de la folie sanguinaire d’Elizabeth, mais ses besoins en sang ne s’arrêtaient pas. La comtesse envoya ses sbires capturer les jeunes femmes du village, ce qui commença à attiser les soupçons. Les villageois constatèrent les disparitions, et les rumeurs de la folie meurtrière de la comtesse se répandirent dans le royaume. Elizabeth aurait pris des bains de sang quotidiens sous les conseils de sa sorcière, probablement associés à quelques rituels diaboliques. Les jeunes victimes étaient torturées et violentées avant d’être vidées de leur fluide vital. Les légendes disent que la comtesse ne vieillissait pas et semblait même rajeunir d’année en année. Toute la région était terrorisée, mais, prise sous une chape de silence, rien ne semblait pouvoir entraver les meurtres vampiriques du château.
La chute de la comtesse serait due à sa soif de sang devenue incontrôlable. En effet, Elizabeth ne se contentait plus des servantes et des paysannes : il lui fallait du sang noble. C’est ainsi que plusieurs demoiselles de haute naissance disparurent mystérieusement lors de leurs visites au château de Čachtice. Il n’en fallut pas plus pour que les autorités décident d’intervenir. Plusieurs plaintes avaient déjà été portées à l’attention des autorités par le pasteur luthérien István Magyari, mais aucune enquête ne fut déclenchée à cause du statut de la comtesse. La disparition de filles de petite noblesse poussa le pouvoir royal à intervenir, à récolter des preuves et à mener l’enquête sur les crimes de la Comtesse Sanglante. György Thurzó, le palatin de l’empereur Matthias Ier de Habsbourg, vint en personne au château de Čachtice pour confondre la maîtresse des lieux. Une fois sur place, les scènes d’horreur s’enchaînèrent. Un domestique gisait dans le jardin, battu à mort, et dans le vestibule, le cadavre d’une jeune femme vidée de son sang ainsi que plusieurs autres victimes en pleine agonie furent découverts. Une odeur pestilentielle envahissait le château alors que la comtesse recevait ses visiteurs dans la plus parfaite impassibilité. Elizabeth fut immédiatement mise aux arrêts ainsi que ses serviteurs dans l’attente de leur procès. La sorcière ne fut jamais retrouvée, mais peut-être qu’il ne s’agissait que d’un personnage de la légende.
L’Histoire Réelle d’Elizabeth Bathory :

Elizabeth Bathory est née en 1560 dans l’une des plus puissantes familles de Hongrie. La région était en plein chaos : d’un côté, les partisans du Saint-Empire des Habsbourg, qui contrôlent les territoires de la Hongrie royale ; de l’autre, les territoires sous domination des Turcs, soit la Hongrie ottomane ; puis enfin une troisième partie, qui prend le nom de Hongrie orientale, contrôlée par les voïvodes. Le père d’Elizabeth, György Báthory, est un partisan des Habsbourg, et le frère de ce dernier est également gouverneur de Transylvanie. La famille d’Anne, la mère d’Elizabeth, est tout aussi illustre, avec notamment Étienne Ier Báthory, qui sera roi de Pologne, ainsi que plusieurs hauts prélats de l’Église.
Elizabeth bénéficie d’une excellente éducation et apprend plusieurs langues en plus du hongrois, notamment le latin, le grec, l’allemand et le slovaque. Elle passe son enfance dans le château d’Ecsed, entourée de domestiques. La jeune femme est fiancée à l’âge de 11 ans à Ferenc I Nádasdy et emménage dans le château de Sárvár jusqu’à son mariage. Il semble que la jeune femme soit tombée enceinte d’un domestique du château avant son mariage. Son futur mari n’aurait pas rompu l’alliance par souci du pouvoir offert par cette union, mais aurait néanmoins fait castrer puis exécuter le paysan responsable du forfait. Elizabeth accouche dans le plus grand secret, et l’enfant disparaît des manuels d’histoire.

Le mariage a finalement lieu en 1575 à Vranov nad Topľou, en Slovaquie, et Ferenc I Nádasdy offre le château de Čachtice, situé dans les Carpates, à sa jeune épouse. Trois ans plus tard, Ferenc I Nádasdy prend la tête de l’armée hongroise du Saint-Empire pour combattre les Ottomans. Il laisse à sa femme le soin de gérer les affaires de la famille et leurs multiples propriétés. Ferenc, de son côté, obtient de nombreuses victoires sur ses ennemis et sera surnommé le Chevalier noir de Hongrie. Malgré les fréquentes absences de son mari pour la guerre, le couple aura cinq enfants, mais deux ne survivront pas. Deux filles, Anna et Katarina, ainsi qu’un fils, Pál, survivront.
L’année 1593 marque le début de la longue guerre contre l’Empire ottoman. Ferenc I Nádasdy est au front, et Elizabeth doit prendre en charge la défense de ses domaines contre les pillages des Turcs. Le village de Čachtice est d’ailleurs attaqué en 1599. La longue guerre s’éternise, et Ferenc I Nádasdy meurt des suites d’une blessure en 1604. Préalablement à la mort de son mari, des rumeurs couraient déjà sur les agissements contre nature qu’aurait pratiqués la comtesse Bathory. István Magyari, un pasteur luthérien, alerte plusieurs fois les autorités à partir de 1602, mais aucune enquête ne sera déclenchée en pleine période de guerre.
La comtesse Elizabeth Bathory doit gérer seule les affaires familiales à partir de 1604. Elle détient plusieurs châteaux, un vaste territoire et une fortune colossale. La longue guerre prend fin deux ans plus tard avec le traité de Zsitvatorok. Les Ottomans sont stoppés dans leur conquête de la Hongrie royale, et la Transylvanie devient une province indépendante. C’est Gabriel Ier Báthory, le cousin d’Elizabeth, qui en devient prince en 1608. De son côté, le roi de Hongrie et archiduc d’Autriche, Mathias Ier, souhaite prendre le contrôle des possessions d’Elizabeth en Hongrie, mais se heurte à la résistance de la comtesse, qui compte bien préserver ses biens. Elle choisit de s’allier à son cousin Gabriel Báthory pour s’opposer à Mathias Ier, le tout sur fond de guerre religieuse entre catholiques et luthériens.
Les rumeurs des crimes perpétrés par Elizabeth dans les châteaux de Čachtice et Sárvár commencent à circuler dès 1602, mais le soupçon d’actes de sorcellerie ne semble apparaître qu’après la mort de son mari. Finalement, Mathias Ier demande l’ouverture d’une enquête en 1610, sous la conduite de György Thurzó. Plusieurs témoins sont entendus, et les langues se délient : 300 témoignages seront collectés dans l’année. La comtesse et plusieurs de ses serviteurs sont accusés d’avoir pratiqué des actes de torture à l’aide d’aiguilles, de tenailles, de marquage au fer rouge, de malnutrition ou autres sévices, ainsi que des mutilations. Les victimes étaient ensuite brûlées ou enterrées dans les environs du château. Elizabeth aurait fait enlever puis tuer plusieurs paysannes du village de Čachtice, en leur promettant un bon salaire au château. Les témoignages font état de kidnappings, notamment de jeunes femmes de petite noblesse. D’autres affirment que certains de leurs proches ont disparu au château. Plusieurs témoins mentionnent l’existence d’une certaine Anna Darvulia, qui résiderait au château et pratiquerait la sorcellerie pour le compte de la comtesse. Les victimes seraient vidées de leur sang lors de rituels diaboliques.
György Thurzó se rend au château de Čachtice le 29 septembre 1610 et fait arrêter la comtesse ainsi que ses complices. Une lettre de Thurzó, qu’il adresse à sa femme, fait mention du spectacle d’horreur auquel il aurait été confronté à son arrivée au château.
Le Procès de la Comtesse
Elizabeth Bathory est placer sous tutelle de György Thurzó en attende de son procès qui aura lieu en janvier 1611. Les complices de la comtesse sont torturer et avouerons tous les crimes, Elizabeth quand a elle echapera à la torture en raison de sa position sociale. Les servantes, Dorottya, Ilona serons condamner à avoir les doigts arracher avant d’être bruler sur le bucher. Le gardien de prison du château, un dénommé Ficzkó et juger moins responsable, sera lui aussi condamner à la décapitation avant de finir au bucher. La dernière complice, Katalin, aurait participer au actes macabre de force et sous la contrainte, de ce fait elle ne sera pas condamner à mort mais à la réclusion perpétuelle. Elizabeth Bathory ne sera jamais poursuivit officiellement par le tribunal afin d’éviter de salir le nom de la famille, elle sera néanmoins assigner à résidence dans une seul pièce de son château et sous la surveillance de garde.

La comtesse sanglante va mourir en 1614 après 3 années de réclusion emmurée dans la chambre de son château de Čachtice. Elle avais rédiger son testament quelques temps avant sa mort, faisant de sa fille Katharina la seul héritière de ses possessions. Sa volonté ne sera pas respecter et tous les biens de la Comtesse reviendrons à la couronne de Mathias 1er devenue entre temps l’empereur du saint empire. Les villageois refuserons que le corps d’Elizabeth soit inhumer dans l’eglise de Čachtice, la depouille de la comtesse sera alors envoyer dans le village d’Ecséd, le berceau de la famille Bathory.
L’archétype de la femme vampire
Si la figure du vampire est avant tout associée à Dracula et aux seigneurs de la nuit masculins, l’archétype de la femme vampire occupe une place tout aussi fascinante dans l’imaginaire collectif. À la croisée de la séduction et de la malédiction, elle incarne un être à la beauté fatale, dont le charme envoûtant dissimule une soif insatiable de sang. Plus encore que son pendant masculin, elle est perçue comme un monstre ambigu, entre la luxure et la mort, entre l’érotisme et la damnation. Parmi les figures emblématiques de cette créature envoûtante, Carmilla, l’héroïne du roman de Sheridan Le Fanu, se distingue comme l’un des premiers grands mythes littéraires de la femme vampire, bien avant que Bram Stoker ne façonne la silhouette de Dracula.

Publiée en 1872, soit vingt-cinq ans avant Dracula, Carmilla de Sheridan Le Fanu pose les bases du vampirisme féminin tel qu’il hantera la littérature et le cinéma des siècles suivants. Loin du monstre bestial et cadavérique des traditions folkloriques, Carmilla est une créature d’une beauté troublante, élégante et raffinée, à l’image des aristocrates déchues qui peuplent l’imaginaire gothique. Mais sous ses airs de noble déclinante se cache une prédatrice, dont l’appétit morbide s’exprime à travers une dimension hautement sensuelle.
L’un des aspects les plus marquants du récit de Le Fanu est l’ambiguïté du lien qui unit Carmilla à sa proie, Laura. La vampire ne se contente pas d’assaillir sa victime dans un déchaînement bestial : elle l’attire, la séduit et l’entraîne dans une relation intime qui flirte avec la fascination et l’angoisse. En cela, Carmilla est bien plus qu’un simple monstre nocturne : elle est une incarnation du désir interdit, de la transgression et de l’angoisse face à l’inconnu. Ce personnage marque l’un des premiers exemples de vampirisme féminin dans la littérature occidentale, introduisant le thème du vampire séducteur bien avant l’ère des figures modernes du genre.
L’image d’Elizabeth Báthory partage de nombreuses similitudes avec Carmilla : une noble recluse, à la beauté mystérieuse, dont la soif de jeunesse éternelle conduit aux pires atrocités. La rumeur de ses bains de sang, bien que largement amplifiée par le temps et la fiction, rejoint le mythe vampirique dans son essence même : un être qui se nourrit de la vie des autres pour prolonger sa propre existence.
Plusieurs œuvres littéraires et cinématographiques ont fait de Báthory une incarnation de la femme vampire, notamment La Comtesse Sanglante de Valentine Penrose, qui romantise et mystifie son histoire en la rapprochant de figures vampiriques comme Carmilla ou les légendes folkloriques d’Europe centrale. L’idée selon laquelle Báthory aurait pu inspirer Carmilla n’est pas dénuée de sens : bien que Sheridan Le Fanu ne mentionne jamais directement la comtesse, les parallèles entre ces deux figures féminines maudites sont troublants.
De Carmilla à Elizabeth Báthory, la figure de la femme vampire oscille entre la réalité historique et la fiction gothique. Tantôt séductrice, tantôt prédatrice, elle incarne un être dont la beauté et l’élégance dissimulent un instinct meurtrier insatiable. Son influence est indélébile dans la culture populaire, où elle continue d’évoluer sous diverses formes, de la vampire aristocrate aux créatures ensorcelantes du cinéma contemporain.
Conclusion
L’histoire d’Elizabeth Bathory oscille entre la réalité historique et la légende noire. Si certaines accusations à son encontre, notamment celles liées à la sorcellerie et aux bains de sang, relèvent davantage du mythe, la thèse de son innocence reste difficile à défendre. Les éléments historiques attestent de sa cruauté, en particulier durant son mariage avec Ferenc Nádasdy, avec qui elle échangeait des conseils sur les méthodes de torture à appliquer aux domestiques et aux serfs.
Les rumeurs de pratiques occultes ne commencèrent véritablement qu’après la mort de son époux, à une période où de nombreuses jeunes filles de la région disparaissaient mystérieusement. C’est cette atmosphère de suspicion qui poussa Mathias Ier à ordonner une enquête sous la direction de György Thurzó, aboutissant à son arrestation et à la fin de son règne de terreur.
Le nombre exact de victimes reste incertain et fait l’objet d’estimations très variables. Certaines sources mentionnent une cinquantaine de jeunes filles torturées et assassinées, tandis que d’autres évoquent jusqu’à 200 corps retrouvés dans les châteaux de Čachtice et Sárvár. La légende la plus persistante parle d’un mystérieux carnet dans lequel la comtesse aurait consigné elle-même le nombre de 650 victimes, bien que ce document n’ait jamais été retrouvé.
Qu’elle ait été une meurtrière en série ou le bouc émissaire d’une intrigue politique visant à s’emparer de ses terres, Elizabeth Bathory est aujourd’hui l’une des figures les plus emblématiques du vampirisme historique. Sa légende a largement inspiré la littérature et le cinéma, immortalisant à jamais l’image d’une aristocrate sanguinaire, incarnation de l’archétype de la femme vampire.
Bibliographie
- Valentine Penrose, La Comtesse sanglante
- Jaques Lucien, Elisabeth Bathory, Les carnets secrets de la Comtesse sanglante
- Jacques Sirgent, Erzsebeth Bathory : le sang des innocentes
- Élisabeth Báthory, la comtesse sanglante, Lien : https://www.nationalgeographic.fr/histoire/2021/07/elisabeth-bathory-la-comtesse-sanglante
- La Comtesse Erzébeth Báthory, Lien : https://www.mindshadow.fr/les-vampires-la-comtesse-bathory/
- Élisabeth Báthory, la comtesse sanglante qui égorgea (au moins) 50 fillettes (1611), Lien : https://www.curieuseshistoires.net/elisabeth-bathory-la-comtesse-sanglante-qui-egorgea-au-moins-50-fillettes-1611/
Filmographie
- 1971 : Comtesse Dracula, par Peter Sasdy
- 1971 : Les Lèvres rouges, par Harry Kümel
- 2006 : Stay Alive, par William Brent Bell
- 2008 : Blood Countess, par Lloyd A. Simandl.
- 2009 : La Comtesse, par Julie Delpy
- 2008 : Chroniques d’Erzebeth, par Juraj Jakubisko
- 2015 : Lady of Csejte, par Andrei Konst
- 2015 : American Horror Story: Hotel