ARTHUR, L’ÉPÉE ET L’ENCLUME

Un jeune inconnu tire une épée plantée dans un rocher sous les yeux écarquillés et incrédules de la noblesse bretonne. C’est ainsi que selon la légende Arthur accéda au trône de Bretagne.

Pour commencer il faut préciser que dans la version originelle l’épée ne se trouve pas dans un rocher mais dans une enclume posée sur un rocher. De plus il ne s’agit pas d’Excalibur, comme on le croit habituellement, mais d’une épée ordinaire et anonyme.

Le cinéma américain nous a également habitués à voir cette scène se dérouler à la campagne ou dans une épaisse forêt, mais dans la geste arthurienne composée au Moyen Âge cet épisode se passe au cœur de Londres, du moins si l’on en croit Robert de Boron, l’auteur de la plus ancienne version connue de cet exploit d’Arthur. Pour le poète bourguignon la scène à lieu sur le parvis de la plus grande église de Londres. Or, depuis les temps les plus reculés le plus important édifice religieux de cette ville n’est autre que la Cathédrale Saint-Paul.

Et même si ce bâtiment tel que nous le connaissons aujourd’hui date de 1666, on sait qu’il a été érigé sur un site où s’étaient auparavant succédé quatre cathédrales, pas nécessairement dédiées à Saint-Paul, dont la plus ancienne, faite de bois, datait du règne d’Aethelbert aux alentours des 7ème et 8ème siècles.

De plus, des chroniques du 9ème siècle font référence à une grosse pierre qui se trouvait sur le parvis de Saint-Paul ; pierre qui aurait joué un rôle prépondérant lors de prises de pouvoir ou de promulgations de lois. Ainsi en 1189 lorsque Henry Fitz-Ailwin devint le premier maire de Londres, le cérémonial d’intronisation exigeait de l’impétrant qu’il frappât la pierre de son épée afin de valider son autorité sur la ville.

Nul ne sait à quand remonte cette coutume, mais ce qui est sûr c’est qu’elle était en vigueur à l’époque de Robert de Boron. Cette pierre est restée sur place pendant plusieurs siècles avant d’être retirée en 1666. Aujourd’hui elle se trouve au musée de Londres. Les archéologues la pensent de l’époque romaine, ce qui en fait un objet qui aurait très bien pu se trouver sur le parvis de la cathédrale Saint-Paul à l’époque où Arthur était censé vivre.

Mais alors qu’en est-il exactement de cette histoire d’épée plantée dans une enclume elle-même posée sur un rocher ?

L’auteur britannique Graham Phillips avance une hypothèse qui mêle la linguistique à l’Histoire. Selon lui il s’agit d’une erreur de traduction ou d’une confusion de mots.

Voici sa thèse : il est dit qu’Arthur a repoussé les envahisseurs Anglo-Saxons qui, originellement, sont deux peuples distincts venus d’Allemagne septentrionale, les Angles et les Saxons. Or, le mot latin pour désigner un rocher ou une grosse pierre est « saxum », un mot phonétiquement très proche du nom Saxon. Il en est de même pour Angle qui, dans sa prononciation anglaise, est très proche du mot anglais « anvil » qui signifie enclume. Ces proximités phonétiques pourraient être l’explication de cette étrange histoire d’épée plantée dans une enclume :

Arthur a tiré l’épée, en d’autres termes s’est battu, contre les Angles et les Saxons et dans la mesure où ces événements se seraient déroulés peu après la chute de l’Empire Romain, c’est à dire pendant une période chaotique où des écrits, même s’ils ont existés, ont été détruits au profit de la tradition orale, on peut aisément imaginer que le bouche à oreille a fait son œuvre et que, le temps aidant, par dérivation phonétique les Angles étaient devenus l’enclume (anvil) et les Saxon le rocher (saxum) lorsque Robert de Boron eut vent de l’histoire.

Cette hypothèse vaut ce qu’elle vaut mais elle entre dans la champ des possibles…

Groucho Marx

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